Ceux qui adorent les mangas vont jusqu'à refuser le sens de lecture occidental, volonté qui rejoint celle des auteurs japonais (on les comprend mieux, ils veulent garder leurs dessins intacts) et celle des éditeurs qui veulent minimiser les coûts d'adaptation.
Tant pis si seuls les lecteurs les plus "accros" suivent, tant pis pour ceux qui ne se donnent pas le mal d'apprendre à lire dans les deux sens (comme s'il était facile d'être à la fois droitier et gaucher !)...
Après tout, ceux qui auront appris à lire les BD (pardon les mangas) à l'envers (euh, à l'endroit pour les japonais), auront du mal à lire des BD à l'endroit et seront moins tentés de lire autre chose que les "vrais" mangas.
Lire une BD s'apprend. Comme dans toute lecture, on acquiert des réflexes. Réflexes que les auteurs de BD ont travaillé et codifié.
Hergé, en particulier, a beaucoup cherché une lisibilité maximale. Par exemple, ses personnages courent systématiquement de la gauche vers la droite. Maintenant, tout le monde en fait autant. Et on voudrait tirer un trait la dessus et brouiller les sens de lecture ?
Oui, prenez un manga en langue japonaise (ou en langue française, sens japonais) et mettez le devant un miroir. A première vue, il vous semble pleinement lisible dans notre sens de lecture occidental. Toute adaptation de BD japonaise peut s'effectuer ainsi.
Pour autant, elle ne sera pas exempte d'anomalies. Les voitures rouleront à gauche à Paris, les personnages deviendront gauchers, etc. Mais ce n'est pas si gênant que cela, énormément moins que de trébucher sans cesse sur le sens de lecture ! Que de lire la fin d'un gag avant le début ! Une petite note en début d'ouvrage peut expliquer cez bizarreries au lecteur.
Certes, cela demande aussi davantage de retouches, pour remettre à l'endroit, par exemple des inscriptions faisant partie du dessin. Et il est vrai qu'alors le prix de l'album augmente.
Dommage que certains éditeurs français aient cédé à la facilité maximum (certains se contentent de la traduction, sans même refaire un lettrage manuel). Aux Etats-Unis, les mangas sont tous adaptés au sens de lecture des comics, qui est le nôtre. Ce sont effectivement de véritables "adaptations". Pas des hybrides illisibles (sauf pour les mordus qui s'éduquent et réussissent à lire ainsi...).
Combien de mangas sont adaptés sans respecter notre sens de lecture ? Environ 1 sur 3, 1 sur 2 peut-être. Cette proportion semble se stabiliser, ou augmenter légèrement...
Changer le sens de lecture, rien que ça ?
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Ce n'est pas parce que les Japonais, comme les Arabes, ont un autre sens de lecture, que nous ne pouvons pas le rétablir dans les adaptations françaises. Si cela provoque quelques gênes, il n'en reste pas moins que l'on ne peut pas obliger le lecteur à réapprendre à lire la bande dessinée.
D'autant plus qu'il ne lira jamais comme les japonais, puisque si la lecture des images peut être alignée sur leur sens (de droite à gauche), la lecture des textes reste européenne (de gauche à droite). N'est-ce pas abuser le lecteur que de vouloir l'obliger non seulement à lire les images dans le sens inverse de son apprentissage, mais aussi à les lire en contresens des phrases ?
Je comprends (l'argent explique tant de choses...) qu'on veuille le faire pour des raisons économiques, mais qu'on n'y apporte pas d'alibi culturel !
Boycotter les adaptations illisibles
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