Les trois invraisemblances majeures de la légende Jeanne d'Arc.
Dans le résumé que je viens de raconter, il y a des invraisemblances flagrantes. Au moins trois, marquées par l'impossibilité de répondre de façon pertinente à ces trois questions :
Florent Massot, en sa préface du livre de Marcel Gay, part lui aussi de ces constats (==>Gay 9 10). |
![]() ![]() L'entourloupe médiatique de Chinon. Texte Victor Mora, dessin Victor de la Fuente, "L'Histoire de France en BD", Larousse 1977. Si Olivier Bouzy considère cette scène comme "inexacte", André Cherpillod l'estime à la fois "authentique" et "puérile" (==>Cherpillod 285). Puérile, mais terriblement efficace étant donné son retentissement... |
![]() ![]() Avril 1429 à Chinon, la Pucelle est de dos, devant Gilles de Rais, à gauche, et Georges de la Trémoïlle, à droite (Paul Gillon, case extraite de l'album "Jehanne, la séve et le sang", L'écho des Savanes / Albin Michel 1993). Juillet 1429 à Troyes, Huet Lesguisé le Jeune et trois autres bourgeois, offrent les clés de leur cité à Charles VII et à la Pucelle (enluminure "Comment ceux de Troyes se redduisirent au Roy", extrait du livre "Vigiles de Charles VII" de Martial d'Auvergne, vers 1483, BnF) Avec ses frères et ses soeurs, en remerciement, Huet le jeune sera anobli en mars 1430 par Charles VII ainsi que sa descendance "même par femelles" (lien). |
![]() | Quand Jeanne d'Arc a déclaré qu'elle était de sang royal...
"Chaque jour d'ailleurs, Jehanne se rendait auprès du roi et conversait longuement avec lui. Au cours d'une de ces visites, un jeune seigneur se permit d'entrer dans la chambre royale sans s'être fait annoncé. Surprise, la Pucelle demanda le nom de ce visiteur si désinvolte. - C'est mon cousin d'Alençon, répondit le roi. A ces mots, Jehanne se leva brusquement de son siège en s'écriant d'une voix enjouée : - Soyez le très bienvenu ! Plus on sera ensemble de sang royal de France, mieux cela sera !" (déclaration du duc d'Alençon au procès d'annulation en 1456) (traduction de Jean Jacoby en 1932). André Cherpillod : "Les domrémistes ont fait d'énormes efforts pour réfuter cette interprétation. Il faut donc voir les choses de près". Et il se lance dans une brillante démonstration de compréhension des propos enregistrés en latin. Il termine par : "Tous ces domrémistes préfèrent traduire par un charabia lourdaud, plutôt que de rendre les paroles naturelles de Jeanne, celles qu'elle a prononcées avec plus de vraisemblance. La traduction tordue "Plus ils seront..." ou "Plus il y aura..." est devenue courante chez les domrémistes surtout à partir du livre de Jacoby (1932), parce qu'il fallait faire tout, y compris de fausses traductions en mauvais français, pour maintenir la légende niaise, sotte et pleurnicharde." (==>Bouzy 120) (==>Cherpillod 293 294 295 296) Ci-contre, la scène est reprise dans cette case du tome 6 "La geste d'Orléans", 2015, de la très domrémiste série "Le trône d'argile" (présentée en fin d'annexe 2), avec la traduction viciée que dénonce Cherpillod. Jean II d'Alençon (1409-1476) a épousé Jeanne d'Orléans (1409-1432), fille du duc Charles d'Orléans, il est donc un neveu de la Pucelle. |
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1968, Maurice David-Darnac "Le dossier de Jehanne"
Fin de la présentation par André Cherpillod : "Fin 1965, il publie "Histoire véridique et merveilleuse de la Pucelle d'Orléans", ouvrage de forme très romancée ; il contient de nombreuses assertions fantaisites, et ne cite aucune source. En 1968, il publie "Le dossier de Jehanne". Cette fois, l'ouvrage est fort bien documenté. Il cite les textes originaux en latin ou en français d'époque, ce que les domrémistes [il ne l'est pas...] ne font que très rarement." | ||
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2007, Marcel Gay et Roger Senzig, "L'affaire Jeanne d'Arc"
Présentation par André Cherpillod : "Roger Senzig est latiniste et paléographe ; pendant la Seconde Guerre Mondiale, il a été membre des services secrets de la France Libre. Son coauteur Marcel Gay est grand reporter à L'Est Républicain et spécialiste des affaires judiciaires. Ces deux auteurs publient ensemble en 2007 "L'affaire Jeanne d'Arc", excellent ouvrage, fort bien documenté. Inutile de dire qu'il a suscité une levée de boucliers." Critique. Je ne citerai ce livre que sous le nom de Marcel Gay, non pas que je nie l'importance de l'apport de Roger Senzig (leur rencontre est révélatrice ==>Gay 33 34 35 36), mais pour simplifier, parce que Marcel Gay s'est exposé médiatiquement, a longtemps défendu son livre et parce qu'il vient de publier en décembre 2022 six articles (1 2 3 4 5 6) qui vont être reproduits ici en partie. Ce livre est disponible, notamment sur Amazon, à moins de 3 euros (+ port). Je précise que lors de la crise du Covid-19, Marcel Gay est un des rares journalistes à avoir donné la parole à ceux qui ont été dénigré comme des "antivax". Son livre de 2023, "Covid-19 : le naufrage de la science", censuré par Google, a été réalisé avec la contribution Jean-Marc Sabatier, directeur de recherche au CNRS, titulaire d’un doctorat en biologie cellulaire et microbiologie (lien, présentation). Là aussi, il a vu juste. | ||
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2008, Olivier Bouzy, "Jeanne d'Arc, l'histoire à l'endroit"
Présentation par André Cherpillod : "Olivier Bouzy (1961-), docteur en histoire, est directeur adjoint du Centre Jeanne d'Arc d'Orléans et chargé de cours à l'université d'Orléans. Il est l'auteur de "Jeanne d'arc, mythes et réalités" (1999), un livre qui rétablit la vérité sur plusieurs points contestés, et de "Jeanne d'Arc, l'histoire à l'endroit", où il part en guerre contre le livre de Senzig & Gay. Le principal mérite de Bouzy est de donner les références précises de toutes ses citations, ce que les domrémistes ne font que rarement (à part Anatole France et Mgr Touchet)." André Cherpillod a donc de l'estime pour Olivier Bouzy, ce n'est pas le cas pour sa supérieure, Colette Beaune, directrice du Centre Jeanne d'Arc, ayant publié en 2008 "Jeanne d'Arc, vérités et légendes" qu'il considère comme "une tentative, fort mal réussie, de réfutation de l'ouvrage de Senzig & Gay". C'est en se référant à ce seul livre que Wikipédia, en ce chapitre, déclare : "Les erreurs commises par les promoteurs des mythes survivo-bâtardisants sur Jeanne d'Arc sont nombreuses, mais elles relèvent toutes d'un traitement fautif ou biaisé des sources". + Entretien sur France-Info. | ||
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2014, André Cherpillod, "Jeanne la Pucelle, de la légende à l'histoire"
André Cherpillod (1930-) est connu sur Wikipédia comme un espérantiste français, autodidacte : "Depuis 1990, il occupe sa retraite à la rédaction d'ouvrages sur les sujets les plus variés et les fait connaître à l'occasion de conférences. Presque tous sont édités par l'auteur lui-même". Sur Jeanne d'Arc, il a fait un premier ouvrage, en 2011, "Jeanne la Pucelle: Autopsie d'un mythe". J'ai retenu son second livre, de 2014, parce que il est censé "trier le bon grain de l'ivraie". Cet ouvrage est maintenant introuvable, on m'en a heureusement fourni une copie pdf. J'ai trouvé le propos lumineux, précis avec une référence systématique aux sources, avec de multiples détails rassemblés en une vision cohérente et percutante, dépeçant de façon enlevée et caustique les explications de ceux qui sont appelés les "domrémistes" et que je vais appeler de la même façon. Etant donnée son indisponibilité (il s'en plaignait dans un article de 2014), je mets ce livre intégralement en ligne en un pdf imagé (sans recherche textuelle possible) de 77 Mo (573 pages). Voici une présentation d'André Cherpillod dans un article de Ouest-France de 2014 (lien). Je n'ai pas pu le contacter, même par d'anciens contacts à lui. Agé de 93 ans, j'espère qu'il n'est pas décédé... Et qu'il approuverait la mise à disposition du pdf... | ||
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2022, Thierry Dehayes, "La fabrique de Jeanne d'Arc" Thierry Dehayes est titulaire d'un DEA en Histoire ainsi que d'un doctorat et d'une agrégation de Lettres. Il enseigne en classes préparatoires. Il est notamment l'auteur de livres qui font autorité sur Marcel Pagnol. Jean Giono et Saint-Exupéry. On lui doit aussi des monographies historiques et patrimoniales remarquées sur le Pont du Gard ou Le Mans. Son livre, sorti en juin 2021 ches Atlande, conforte les propos de Gay, qu'il a lu et de Cherpillod, qu'il n'a pas lu. Sauf sur un point, où il ouvre une nouvelle hypothèse, présentée en fin de chapitre 5. Son analyse des procès est remarquable, réussissant à distinguer ce qui serait sincère, manipulé et dissimulé. Article de Ouest-France ( lien). | ||
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La Pucelle revient cinq ans après le bûcher
"Jeanne d’Arc et les fake news" (5/6), 27 décembre 2022, par Marcel Gay Personne ne peut croire que l’on puisse revivre après la mort. Si Jeanne la Pucelle réapparaît, cinq ans après le bûcher de Rouen, c’est forcément qu’elle n’a pas été suppliciée, le mercredi 30 mai 1431, sur la place du Vieux-Marché. La femme qui périt dans les flammes, ce jour-là, a « le visage embronché », c’est-à-dire caché, nous dit Perceval de Cagny, chroniqueur au service des ducs d’Alençon. Mais on ignore son identité. Jeanne (qui ne s’est jamais appelée Jeanne d’Arc de son vivant mais simplement la Pucelle, c’est le pape Calixte III qui la nommera pour la première fois d’Arc en1456) Jeanne donc fait son retour sur la place publique le 20 mai 1436. Nous le savons d’abord grâce à Pierre de Saint-Dizier, curé de la paroisse de Saint Eucaire puis doyen de Saint Thiébaut et Official de Metz. Ce curé érudit tient un journal des événements survenus dans sa ville et dans les pays voisins. Il écrit que ce 20 mai 1436 « Jehanne la Pucelle » qui avait été en France arrive à un rendez-vous organisé avec les seigneurs de Metz. « Elle se faisait appeler Claude (NDLR-dans la clandestinité). Le même jour, ses deux frères vinrent la voir en ce lieu. L’un était chevalier et s’appelait messire Pierre, l’autre Petit Jehan, écuyer et ils croyaient qu’elle avait été brûlée. Mais, sitôt qu’ils la virent, ils la reconnurent pour leur soeur et elle les reconnut de même. » Jeanne se marie à Arlon La chronique du doyen de Saint-Thiébaut retrace ensuite le parcours de Jeanne de 1436 à 1449 avec une grande précision. Les plus grands seigneurs viennent à sa rencontrer et lui offrent des cadeaux de valeur, notamment un cheval et une épée. Jeanne va se recueillir à Notre-Dame de Liesse puis elle va à Arlon, où elle est accueillie par la duchesse Élisabeth de Görlitz. Elle va ensuite guerroyer du côté de Cologne (le 2 août 1436, comme en fait foi un laisser-passer), en repart précipitamment, menacée d’excommunication, elle se marie enfin avec le chevalier lorrain Robert des Armoises. Robert a assisté au sacre de Reims, le 17 juillet 1429, il ne peut pas avoir été abusé par une aventurière. Le couple vient ensuite s’établir à Metz « tant qu’il leur plaisit » précise Pierre de Saint-Dizier. Jeanne et Robert nous ont laissé plusieurs documents. Dont une copie authentique de l’acte notarié de la vente d’une partie de l’une de leur propriété, de Haraucourt. Le contrat de mariage conservé dans une étude de Fresnes-en-Woëvre (Meuse) aurait disparu durant les bombardements de 14-18. De nombreuses chroniques du 15ème siècle vont ensuite reprendre les informations du doyen de Saint-Thiébaut, en y ajoutant parfois des précisions. Une mystification ? Cette femme serait-elle une usurpatrice ? Les seigneurs de Metz qui ont bien connu la Pucelle durant son épopée n’ont pas douté, pas plus que les deux frères de Jeanne. Il est vrai que d’autres imitatrices ont existé, comme Jeanne la Féronne, dite la Pucelle du Mans. Celle-ci fut rapidement démasquée, liée au pilori avant d’être emprisonnée pendant sept ans ! Quant à cette Jeanne-Claude qui arrive à Metz en 1436, elle a les mêmes traits physiques que Jeanne la Pucelle, elle parle également par paraboles, manie parfaitement les armes. En outre, elle a la même mémoire des événements. Enfin, à ceux qui douteraient, elle peut montrer ses deux blessures de guerre. Jeanne à Orléans Comme on l’imagine, la réapparition de Jeanne près de Metz fait l’effet d’une bombe à Orléans. Nous le savons grâce à des documents irrécusables : les livres de comptes de la ville qui vont de 1436 à 1440. Ainsi, la nouvelle est connue le 25 juillet 1436. Un chevaucheur porte une lettre de Jeanne la Pucelle adressée à Guillaume Bélier, bailli de Troyes. Le frère de Jeanne, Petit Jehan, vient aussi à Orléans le 5 août raconter qu’il a vu Jeanne et qu’elle est bien vivante. On lui offre un repas de fête. Extrait du Registre des comptes de la ville d’Orléans (1436) Les compagnons de Jeanne et les personnalités du royaume affluent à Orléans. Le 9 août, Fleur de Lys apporte à la ville une lettre de la Pucelle, celle qui a libéré la ville des Anglais. Fleur de Lys ? Mais il connaît bien Jeanne puisqu’il était son poursuivant d’armes, sorte d’officier de renseignement. Le 2 septembre, Jeanne adresse une lettre au roi de France. Celui-ci ne crie pas au scandale en recevant une lettre de la Pucelle. 18 octobre 1436, cette fois-ci c’est Cœur de Lys, le héraut d’armes de la ville d’Orléans, qui part en mission. Il rentre après 41 jours d’un voyage harassant. Il racontera sa rencontre avec la Pucelle durant plusieurs jours. En 1439, Jeanne arrive enfin à Orléans. Dame Jeanne s’appelle désormais Jeanne des Armoises. On lit sur les livres de comptes : « A Jacquet le Prêtre, le 28ème jour de juillet pour 10 pintes et chopines de vin présentées à dame Jehanne des Armoises pour ce 14 sols. » Comment douter? Vin, dîners, soupers sont offerts à Jeanne des Armoises par la ville d’Orléans. La Pucelle rencontre évidemment tous ceux qu’elle a connus pendant le siège. Il faut croire qu’on lui demande comment elle a pu échapper au bûcher, où et comment elle a vécu pendant tout ce temps. Ajoutons que l’évêque d’Orléans, en 1439, s’appelle Regnault de Chartres, celui-là même qui a présidé la commission de Poitiers et qui a procédé au sacre de Charles VII à Reims. Ni lui ni les Orléanais ne s’offusquent de la survie de Jeanne. Au contraire, la ville va lui offrir 210 livres tournois « pour le bien qu’elle a fait à la ville pendant le siège » |
![]() ![]() René d'Anjou, le bon roi René (1409-1480), fils de Yolande d'Aragon. A gauche, extrait du livre de Thierry Dehayes (page 214). En complément (page 217) : "Par ailleurs, Jehanne aurait dit à Cologne quelque chose comme : "J'ai fait sacrer un roi de France ; je peux bien faire un archevêque !". Ce type de déclaration est en parfaite adéquation avec la personnalité historique de la Pucelle, qui n'a jamais manqué de confiance en elle". Jeanne des Armoises agit et parle comme Jeanne la Pucelle, cela se remarque en de nombreuses autres occasions. A droite, miniature sur parchemin, vers 1469 (BnF). Description (lien Wikipédia) : "Première page de l'aveu rendu à René, roi de Jérusalem et de Sicile, duc d'Anjou, pair de France, duc de Bar, comte de Provence" par un vassal. Mais pourquoi la scène est-elle surmontée par le blason des Orléans ? Hypothèse d'une page du site jeannedomremy.fr : vêtue de vert foncé ("vert perdu", couleur de la maison d'Orléans), ce serait la Pucelle ; elle poserait sa main sur l'épaule de Dunois, le bâtard d'Orléans... |
![]() Philibert des Armoises est-il fils de la première ou de la seconde épouse de Robert II des Armoises ? Pour Thierry Dehayes, l'un des deux enfants attribués à Jehanne serait Philibert des Armoises (aussi prénommé Philippe par Cherpillod), habituellement considéré comme fils de Robert et de sa première épouse, Alix de Manonville. Il a une importante descendance (==>Dehayes 319). Dehayes apporte quelques éléments de confirmation, avec les recherches entreprises par Jérôme Vignier (1606-1661). Il est troublant de remarquer que Philibert = Phili(ppe) + (Ro)bert, Jehanne aurait alors donné à son fils le début du prénom Philippe qu'elle avait à la naissance... Sauf qu'il y a une autre explication, plus habituelle : la première épouse de Robert, Alix de Manonville, avait pour grand-père maternel Philibert de Bauffremont. Philibert a vendu le château de Tichémont vers 1459, trois ans après la mort de Robert. S'il est fils de Jehanne, Philibert aurait alors moins de 23 ans, cela fait jeune. Sa fille Béatrix, décédée avant 1483, a eu une fille Odette Denizet (ou de Nicey) mariée le 6 juin 1494 (lien). Philibert aurait alors moins de 58 ans. Cela fait très jeune pour marier une petite-fille, mais c'est possible. Il serait aussi possible les fils de Jeanne, seraient ses beaux-fils, Philibert et Simon des Armoises ? (lien sur généalogie Jean-Loup Bretet). Nous verrons plus loin, en fin du chapitre 23, une autre hypothèse d'une fille de Jehanne, née auparavant, en 1429. Alors : zéro ou un ou deux ou trois enfants ? A mon avis, zéro. |
Cette sculpture en pierre polychrome, retrouvée dans les ruines d'une église locale, a longtemps été considérée comme étant le portrait de Jeanne... Des auteurs (catholiques) s'en sont servis pour illustrer divers ouvrages, et le prestigieux atelier de copie du Musée du Louvre en a produit un fac-similé en plâtre... Mais depuis qu'une anthropologue allemande travaillant pour le BKA (la police criminelle allemande) s'est livrée à la comparaison scientifique de ce visage avec celui de la Dame des Armoises du Château de Jaulny, pour en conclure que la même femme y était représentée à des âges différents, cette tête est très bizarrement devenu celle de Saint Maurice (qui était noir !). (page de jeannedomremy.fr) |
Les courtisans proches entendent le roi accueillir chaleureusement la dame des Armoises avec ces mots révélateurs (en vieux français) : "Pucelle, ma mie, vous soyez la très bien revenue, au nom de Dieu qui sçait le secret qui est entre vous et moy". |
L'audience royale et la demande de grâce (point de vue domrémiste de page Wikipédia 2023)
Pendant ces quatre ans, elle se serait entretenue par courrier avec le roi Charles VII de France qui, pour les tenants des origines royales de Jeanne d'Arc (qui n'avancent cependant aucun élément tangible accréditant leur hypothèse), serait son demi-frère (dont la légitimité de la naissance a également été contestée). Jeanne des Armoises obtient finalement une audience du souverain D'après une relation tardive du chambellan de Boisy, le roi lui aurait demandé quel était le secret qu’il partageait avec elle. L'« héroïne » se rétracta, disant ne pas connaître le roi, et demanda grâce. Soumise à une enquête de l'Université et du Parlement de Paris, elle est démasquée et condamnée (?) en 1440 [10]. Elle admit publiquement son imposture et se retira avec son mari en son château de Jaulny, où elle termina ses jours. [note 10 :] Colette Beaune, « Une nouvelle affaire Jeanne d’Arc », sur Libération.fr, 10 juin 2009, avec sur ce lien : " Martin Meissonier n'a pas lu non plus les lignes suivantes qui rapportent sa condamnation par le Parlement en 1440 après qu'elle a avoué son imposture. D'ailleurs selon un autre texte, Claude s'effondra aux pieds du roi Charles VII, en sollicitant son pardon pour la supercherie ! " |
Le bûcher de Rouen, 30 mai 1431
Extrait de l'article 4/6 du 26 décembre 2022 Vingt-six mois de vie publique", par Marcel Gay Mercredi 30 mai 1431. Sur la place du Vieux-Marché de Rouen, 800 hommes d’armes portant glaives et bâtons attendent Jeanne-la-sorcière. La femme qui monte sur le bûcher a le visage "embronché" c’est à dire voilé, caché. Personne ne peut donc reconnaître la femme qui est brûlée ce jour-là. En ce funeste jour de mai 1431, la vie publique de Jeanne est terminée. La Pucelle n’a pas rempli les autres missions que ses voix lui avaient assignées, notamment celle de bouter les Anglais hors de France et celle de libérer Charles d’Orléans, le prince-poète, prisonnier à Londres depuis Azincourt. La guerre de Cent ans ne prendra fin que le 17 juillet 1453 avec la bataille de Castillon. | ![]() Visage embronché, vu par Adrien Harmant |
![]() | Extrait de la bande dessinée "Jeanne d'Arc" dans la collection "Ils ont fait l'histoire", Glénat /Fayard 2014, rééditée en 2019 par Glénat / Fayard / Le Monde dans la collection "Les grands personnages de l'histoire en bandes dessinées", texte de Jérôme Le Gris, dessin d'Ignacio Noé, dossier de l'historienne Murielle Gaude-Ferragu. Où sont les 800 soldats ? Où est la tête encapuchonnée ? Comment, au XXIème siècle, peut-on décrire une scène aussi éloignée de la réalité ?. Cette BD accumule tous les poncifes, avec ci-dessous la scène de la reconnaissance à Chinon et même, carrément, un "miracle". Honte à cette historienne pour cautionner de telles élucubrations, honte à Glénat, Fayard et Le Monde pour les avoir éditées !
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Une personne de sang royal ne peut pas être exécutée en place publique (Thierry Dehayes, page 355)
Enfin, pour preuve qu'une personne de sang royal ne peut pas être exécutée en place publique comme un "vulgaire" criminel, il faut à nouveau en revenir au duc d'Alençon. Après avoir été arrêté par Dunois en 1456, d'Alençon, coupable d'avoir entamé des négociations avec le duc d'York et donc de haute trahison, fut condamné à mort le 10 octobre 1458. Cela ne l'empêcha pas d'être ensuite grâcié, avant d'être libéré par le successeur de Charles VII, Louis XI en 1461. |
![]() ![]() André Cherpillod insiste sur l'importance de la reconnaissance de la Pucelle par son "ami intime" Gilles de Rais. Il accueillit Jeanne des Armoises en son château de Machecoul et lui confia une petite troupe (==>Cherpillod 440 441). En 1984, dans le tome 1 de Jhen, qui s'appelait alors Xan, Jacques Martin et Jean Pleyers avaient montré une image crédible de la mort sur le bûcher. De 1984 à 2021, il y a là une remarquable continuité et cohérence... ![]() En 1985, dans le tome 2 de Jhen / Xan, titré "Jehanne de France", les auteurs ont mis en scène une fausse Pucelle (ci-dessous case 1), qui explique qu'elle n'est pas morte sur le bûcher (case 2). Finalement, elle sera démasquée par Gilles de Rais, qui ne lui retrouve pas de vieilles blessures à l'épaule et à la cuisse (case 3). Dans le tome 19, il n'a pas le moindre doute quand il voit Jeanne des Armoises... Et Marcel Gay nous a signalé que la vérification des "blessures de guerre" avait bien été effectuée à Metz sur Claude - Jeanne des Armoises. ![]() ![]() ![]() Toutes les fausses pucelles ont été assez rapidement démasquées. En tant que vraie Pucelle d'Orléans, la dame des Armoises a été suivie durant plusieurs années, sans que quiconque n'émette un doute sur son identité. S'il y en avait eu, il aurait été exploité... Extrait d'un texte de Jean Pleyers paru en 1986 lors de la parution du tome 6 de Jhen "Le lys et l'ogre" : "Il y eut en effet trois fausses Jeanne d’Arc facilement démasquées. Mais la « vraie », mariée plus tard à Robert des Armoises, serait réapparue devant témoins, et pas des moindres, cinq ans après son « évasion » de Rouen à Metz en 1436, se faisant appeler Claude, et n’aurait jamais été contestée par personne. Devrai-je donc penser tout le contraire de ce que je croyais comme tout un chacun, à savoir qu’elle a été brûlée à Rouen, et maintenant qu’ « on » l’a fait s’évader !?" |
1430 et 1431, à Rouen
Extrait de l'article du 26 décembre 2022 Vingt-six mois de vie publique", par Marcel Gay 23 décembre 1430. Arrivée à Rouen où Jeanne doit comparaître devant un tribunal ecclésiastique. C’est un procès en matière de foi : Jeanne est poursuivie pour sorcellerie. Mais c’est aussi un procès politique : la condamnation de Jeanne sera une réponse au sacre de Reims et, dans la foulée, remettra le traité de Troyes dans l’actualité. Janvier-mai 1431. Le procès dure cinq mois sous la présidence de l’Evêque Cauchon et du vice-inquisiteur Graverent. Sans surprise, Jeanne est condamnée au bûcher au terme d’un procès-fleuve. Mais procès truqué. Sur les 55 séances, 17 sont consacrées aux Voix. Tous les juges (sauf un) sont Français. |
Isabeau de Bavière, ses 11ème et 12ème enfant
Extrait des pages 64 à 66 du livre de Marcel Gay. Les moeurs légères d'Isabeau de Bavière étaient connues de tous. En se référant à la chronique du Religieux de Saint-Denis, nous apprenons qu'à cette date Isabeau avait 36 ans et était depuis plusieurs années la maîtresse attitrée de son beau-frère, le duc Louis d'Orléans. Le frère cadet du roi, du même âge qu'Isabeau, est décrit comme grand, mince, racé, cultivé, brave, brillant, et grand séducteur. Délaissée par son mari dément, Isabeau avait un tempérament amoureux exigeant. Leur liaison débuta vraisemblablement en 1402 quand Isabeau s'installa à l'hôtel Barbette qu'elle venait d'acheter. Elle s'y sentait chez elle et Louis pouvait l'y retrouver presque tous les jours lorsqu'il était à Paris. Elle laissait son royal époux dans les mains d'Odinette avant de quitter l'hôtel Saint-Pol qui était à cette époque la résidence royale. Le 22 février 1403, la reine mit au monde son onzième enfant qui sera le futur Charles VII. Dix-sept ans après, Charles VI, dans le traité de Troyes contresigné par Isabeau, a écarté formellement de la succession au trône de France celui qu'il désignait comme le "soy-disant dauphin", ses moments de lucidité ne lui laissant que peu de doutes quant à la légitimité de ce prétendu fils. Le 10 novembre 1407, Isabeau accoucha à hôtel Barbette de son dernier enfant, le douzième. |
![]() Cet arbre montre, comme déjà dit, que Jeanne la Pucelle serait demi-soeur du roi de France Charles VII, régnant de 1422 à 1461, et tante du roi d'Angleterre Henri VI, régnant aussi de 1422 à 1461 (et quelques mois en 1470/1471). A supposer que Louis Ier duc d'Orléans, frère cadet de Charles VI, soit le père biologique de Jeanne (ce qui est un peu moins sûr que sa mère biologique Isabeau de Bavière...), on constate que Jeanne et Charles VII sont davantage que demi soeur et frère : ils ont tous leurs ascendants en commun, sauf leur père. Jeanne la Pucelle d'orléans est alors pleinement, autant que Charles VII, une Valois. Elle serait aussi, par son père une demi-soeur de Dunois, un de ses compagnons d'armes, dont on reparlera. On note aussi que Philippe le Bon, duc de Bourgogne de 1419 à 1467, est un petit-fils de Philippe de Bourgogne (le Hardi) et donc un cousin de Jeanne. N'oublions pas, enfin, qu'il reste une grosse incertitude sur le père biologique de Charles VII, qui pourrait être Louis d'Orléans. Jehanne et Charles seraient alors pleinement soeur et frère. ![]() ![]() ![]() Charles VI et Isabeau de Bavière à Paris le 22 août 1389, Chroniques de Jean Froissart (fin XVème siècle). L'assassinat de Louis Ier d'Orléans le 23 novembre 1407, deux semaines après la naissance de Jeanne [enluminure BnF Paris] (Louis est assassiné en revenant d'une visite à Isabeau dans l'hôtel Barbette). Dunois, aussi nommé Jean d'Orléans, ou bâtard d'Orléans, en prière vers 1436 [Heures de Dunois, Bristish Library Londres] |
Il était nécessaire d'exfiltrer l'enfant d'Isabeau de Bavière (extrait des pages 69 et 71 du livre de Maurice David-Darnac)
Le 10 novembre 1407, Ysabeau accoucha d'un enfant qui ne pouvait être que le produit des oeuvres du duc d'Orléans, puisque la reine avait cessé toutes relations conjugales avec son mari depuis l'année 1405. [...] La liaison de la reine et de son beau-frère avait causé tant de scandales qu'il était absolument inconcevable qu'il restât un témoignage vivant et officiel de ces coupables amours, car c'eût été faire la part trop belle au Bourguignon, qui n'avait déjà que trop d'arguments valables pour attaquer la reine et le régent. C'est pour ces raisons qu'il fut décidé de substituer un enfant mort à celui dont Ysabeau accoucherait. [...] La substitution fut d'autant plus facile que l'enfant naquit non pas dans la demeure royale, mais dans la résidence personnelle d'Ysabeau, bien à l'abri de tous les regards indiscrets ; quant au changement de sexe, il constituait une précaution supplémentaire, de nature à rendre encore plus difficiles toutes recherches éventuelles visant à rétablir la vérité. [...] Le choix du petit village de Domrémy présentait bien des avantages. |
![]() La maison dite natale de Jeanne d'Arc a été construite en 1481, longtemps après sa naissance, puis reconstruite... En cette page, le site jeannedomremy.fr apporte d'autres arguments sur la "contrevérité historique" de la maison natale. |
L'arrivée de Jehanne, bébé, à Domrémy
(Maurice David-Darnac, pages 74 / 75, s'appuyant sur une lettre du chambellan de Charles VII, Perceval de Boulainvilliers, adressée le 13 juin 1429 à Philippe Visconti, duc de Milan, frère de la veuve du duc d'Orléans) "Le 6 janvier dans la nuit de l'Epiphanie, les coqs se mirent à chanter. Des hommes porteurs de flambeaux avaient troublé la quiétude habituelle. Ils avaient frappé à la porte du doyen Jacques d'Arc". Il est très vraisemblable que la petite Jehanne arriva à Domrémy dans la nuit de l'épiphanie, le 6 janvier 1408 ; L'entrée dans ce petit village d'une trentaine de maisons, d'un cortège de plusieurs cavaliers entourant une voiture légère et bien fermée, ne pouvait passer inaperçue. Le nourrisson avait donc deux mois lorsqu'il fut remis aux d'Arc. |
Pourquoi une telle mise en scène ? Une nécessité tactique... (André Cherpillod, page 239).
Une fois le scénario arrêté en haut lieu, il est évident que le secret de naissance ne pouvait en aucun cas être révélé : la légitimité de Charles étant déjà mise en doute, rien n'eût été plus dangereux pour lui que l'intervention d'une soeur, ou demi-soeur, dont on eût proclamé la naissance adultérine. En effet, "l'apparition d'une bâtarde tenue jusque-là cachée, même se disant "envoyée de Dieu", risquait de paraître "un coup monté" qui ne pouvait que nuire à l'héroïne dont on voulait se servir efficacement" (G. Pesme, p. 61) De plus, la révélation de la bâtardise de Jeanne aurait confirmé les bruits qui couraient sur le comportement de la reine Isabeau, donc entraîné des soupçons sur la légitimité de Charles VII et jeté la suspicion sur toute la maison de Valois, pour le plus grand profil des Anglais et des Bourguignons. Mais en fait, les Anglais n'auraient tiré qu'un faible avantage de cet aveu. Car l'aveu de la bâtardise de Jeanne aurait immédiatement fait suspecter de bâtardise les autres enfants d'Isabeau de Bavière : le roi Charles VII, mais aussi sa soeur Catherine, la mère d'Henri VI, le roi anglais. Il en résultait qu'Henri VI n'avait plus aucun droit à la couronne de France.Pour les Anglais, c'était la catastrophe. |
Bien mieux qu'un berger : une bergère... (André Cherpillod, pages 240, 241).
Pour ajouter encore sur l'humble condition du libérateur, il fallait que celui-ci fut une libératrice. [...] Il n'y avait qu'une femme qui semblât faire l'affaire : la petite Jeanne d'Orléans, née le 10 novembre 1407, enfant sensible, pieuse, intelligente, élevée chez les d'Arc, famille honorable de Domrémy. Elle était certes capable de comprendre ce qu'on attendait d'elle. Elle était bâtarde, mais personne ne le savait. Elle n'était point bergère, mais qu'importe ! Son père adoptif était laboureur, cela suffisait. "Quelle armée, si puissante soit-elle, pourrait résister à des troupes conduites par un envoyé de Dieu, par une pucelle conseillée par Saint Michel, le chef des milices célestes ?" (M. Gay, p. 147) Non seulement le libérateur serait une femme, mais elle serait de condition aussi humble que possible, et à peine sortie de l'enfance : ainsi, elle ne tiendrait sa puissance que de Dieu ! Il faudrait donc la rajeunir de quelques années, pour rendre invérifiable son origine réelle et ajouter un piment de merveilleux. |
![]() ![]() ![]() Des moutons, des voix célestes, quelle histoire merveilleuse illustrée de multiples façons au long des siècles... Peinture de François Léon Bénouville. Vitrail (église de Pontrieux, Bretagne). Image cartonnée (Nathan, dessin Henri Dimpre). En gommant le côté mystique, on a une fille du bas peuple qui se transcende pour sauver son pays, symbole du patriotisme... |
![]() ![]() Année 1420. Le 21 mai, le traité de Troyes est signé, suite à des négociations entamées en octobre 2018. Le 2 juin, à Troyes, Henri V, roi d'Angleterre, épouse Catherine, fille du roi de France Charles VI (soeur ou demi-soeur de Charles VII et Jeanne la Pucelle). En vertu du traité, leur futur fils, Henri VI régnera sur les deux pays. Le 1er décembre 1420, les rois de France et d'Angleterre entrent en triomphe à Paris. Henri V et Catherine célèbrent en grande pompe Noël au Palais du Louvre. (miniature de la Chronique du religieux de Saint Denys, de Jean Chartier, d'avant 1494, British Library) |
Qui a conçu l’opération Pucelle ? (Marcel Gay, reprise de l'article 3/6 du 25 décembre 2022)
Le stratagème de l’envoyée du ciel pour sauver le royaume de France a été conçu par une femme d’exception : Yolande d’Aragon, duchesse d’Anjou, reine des Quatre royaumes. L’opération a été exécutée de main de maître par une autre femme exceptionnelle : la Pucelle d’Orléans. Peu connue et peu étudiée, Yolande d’Aragon, belle-mère du roi, a joué un rôle majeur dans l’histoire de France. Pendant quarante-deux ans, de 1400, date de son mariage en Arles avec Louis d’Anjou jusqu’à sa mort en 1442 à Saumur, elle est au cœur de tous les événements importants de cette première moitié du 15ème siècle. Yolande est une femme de pouvoir, du vrai pouvoir, celui de l’influence, qu’elle exerce toujours dans l’ombre. Yolande est née le 11 août 1379 à Saragosse. Fille du roi Jean 1er d’Aragon et de Yolande de Bar, Yolande est petite-fille du roi de France Jean le Bon. C’est une Valois. Son éducation a été confiée à des religieux qui lui enseignent la diplomatie, la patience et l’obstination. Des qualités intellectuelles et morales dont elle saura jouer. A la mort de son époux, elle a trente-sept ans et cinq enfants. La duchesse d’Anjou hérite de tous les titres de son défunt mari. Elle est donc reine de Sicile, reine de Naples, reine de Jérusalem, reine de Hongrie. La reine « des Quatre royaumes » possède aussi de nombreuses terres et leurs châteaux : la Provence, le Maine et, bien entendu, l’Anjou. Yolande est un fin stratège qui sait tirer parti des rapprochements familiaux. Son fils, René d’Anjou, héritier du duché de Bar est marié en 1420 avec Isabelle de Lorraine, fille unique du duc Charles de Lorraine. Ainsi, les deux duchés voisins de Lorraine et de Bar sont-ils réunis sous une même couronne posée sur la tête d’un prince du parti d’Armagnac. Cette femme discrète et belle (la plus belle femme du royaume, disait-on) est d’une rare lucidité. Elle sait devancer les événements quand elle ne les suscite pas. Ses froids calculs lui donnent toujours plusieurs coups d’avance sur ses adversaires. Un exemple. En 1413, alors que rien ne presse, elle décide de fiancer sa fille, Marie, 9 ans, à Charles de Ponthieu, 10 ans, troisième fils du roi Charles VI et de la reine de France. Avec l’accord de la reine Isabeau et du Conseil royal, elle prend Charles sous sa protection au château d’Angers. Elle se charge de son éducation pour le soustraire à l’influence néfaste de sa mère et aux dangers de la cour. Deux ans plus tard, en 1415 le dauphin Louis meurt, sans doute empoisonné. Deux ans plus tard encore, le dauphin Jean meurt à son tour. Charles devient donc dauphin en 1417. La reine Isabeau comprend la manoeuvre. Trop tard. Elle veut récupérer son fils ? Yolande s’y oppose en ces termes : "Femme en puissance d’amants n’a point besoin d’enfants. Pourrirez le laisser périr comme ses frères, le rendre fou comme son père ou le vendre aux Anglais comme vous-même. Le garde mien. Venez le prendre si l’osez !" ![]() ![]() Yolande d’Aragon, illustrations de sa page Wikipédia : vitrail du bras nord du transept de la cathédrale Saint-Julien du Mans et, avec deux de ses enfants, enluminure anonyme de la Bibliothèque municipale du Mans.
Charles épouse Marie en 1422. Yolande devient ainsi la belle-mère du roi. Elle va tout faire pour préserver l’héritage de son gendre. En 1420, elle est meurtrie par le traité de Troyes qui déshérite le dauphin Charles au profit du petit roi anglais Henri VI. Elle ne laissera pas le royaume aux mains des Anglais. Elle se battra pour préserver les biens de sa famille et le royaume de son gendre. Elle engagera sa fortune et mettra son habile intelligence au service des siens. Lorsque après un long séjour dans son comté de Provence, en 1423, elle revient en Anjou, les Anglais ont pris position près de ses terres. Yolande n’hésite pas à prendre le commandement des troupes, elle enfourche un splendide cheval blanc cuirassé d’acier et d’argent et attaque les soldats de William de la Poole, comte de Suffolk. Les anglais furent effrayés par cette cavalière hors pair montant un destrier étincelant. Ils ont cru voir le diable et ont quitté le champ de bataille à toutes jambes. Evidemment, je vois dans cette scène la préfiguration de ce que fera une autre femme sur les champs de bataille. Jeanne, la Pucelle, va terroriser elle aussi les soldats Anglais. Yolande est-elle l’inspiratrice de l’épopée johannique ? Le "cerveau" de ce qui ressemble fort à une opération secrète ? Celle qui a mis au point de subtil stratagème de l’envoyée du Ciel pour terroriser les Anglais et faire annuler l’infâme traité de Troyes ? Tout porte à le croire. Pas de certitudes absolues mais un important faisceau de présomptions. Yolande est à Nancy deux semaines seulement avant l’entrevue de Jeanne et du duc Charles de Lorraine en février 1428, entrevue déterminante pour le voyage à Chinon. Le capitaine de Baudricourt est un proche de la reine de Sicile. Yolande est encore à Chinon début mars pour accueillir la Pucelle qui va rencontrer le roi pour la première fois. Yolande est à Poitiers lorsque Jeanne va être questionnée par les savants docteurs de la commission présidée par Regnault de Chartres. C’est Yolande qui va procéder à l’examen clinique de la virginité de Jeanne. Cette grande dame aurait-elle consenti à se prêter à ce genre d’épreuve s’il s’était agi d’une simple bergère ? C’est à Tours, ville fidèle à Yolande que Jeanne fait faire son armure et son étendard. Les proches de Jeanne sont des fidèles de la reine de Sicile. L’écuyer de Jeanne, chef de sa garde personnelle, Jehan d’Aulon est l’homme de confiance de la reine Yolande et sa parente, Marie d’Aulon, la demoiselle d’honneur de la duchesse d’Anjou. C’est Yolande qui finance les troupes qui se rassemblent autour de Blois pour ravitailler Orléans. Le chapelain de Jeanne, Jean Pasquerel est un franciscain, comme Yolande, elle même membre du Tiers ordre franciscain. Sur son étendard Jeanne a fait inscrire "Jhésus Maria" qui est la devise des franciscains. Les frères mineurs (franciscains) sont pro-Armagnacs quand les frères prêcheurs (dominicains) sont pro-bourguignons. C’est Yolande avec l’aide des puissants réseaux franciscains et peut-être même celui de Colette de Corbie qui "prépara les esprits" à la venue de l’envoyée du Ciel. La propagande est en marche. Des prophéties (fake news) courent le royaume. On annonce partout qu’une vierge viendra bientôt au secours du roi et de son royaume. La prophétie de Merlin prédit qu’"une Vierge de la forêt des chênes chevauchera contre le dos des Archers." La prophétie de Marie Robine, recluse en Avignon, annonce dans ses versets prophétiques que le royaume perdu par une femme (Isabeau de Bavière) sera sauvé par une vierge (Jeanne). Jeanne affirme avoir été gouvernée par ses voix pendant sept ans. [... déjà cité au chapitre 12...] Yolande sera le conseiller permanent, celle par qui se font et se défont les affaires du royaume. Elle tient à protéger le dauphin d’abord, le roi ensuite. Elle élimine les favoris qui ont une influence néfaste sur le roi pour l’entourer d’hommes de confiance. Entre 1417 et l’entrée en scène de la Pucelle, douze ans plus tard, pas un traité n’est signé, pas une alliance ne fut négociée sans que ce fut l’oeuvre de la reine Yolande. "Un coeur d’homme dans un corps de femme" dira son petit-fils, le roi Louis XI. Le 12 février 1419 une trêve est conclue avec les Anglais. Yolande n’est investie d’aucun pouvoir officiel. Elle n’est même pas encore la belle-mère du roi. Or, le traité porte sa signature à côté de celle du roi d’Angleterre Henri V et du dauphin Charles. En 1425 Yolande a imposé au dauphin Arthur de Richemont, frère du duc de Bretagne pour prendre la tête des opérations militaires. Richemont sera nommé connétable de France. Elle soustrait le souverain à l’influence de ses favoris et n’hésite pas à recourir à la méthode dure. Ainsi, le seigneur Pierre de Giac, maître des finances puis chef du Conseil fût-il arrêté le 8 février 1427 à Issoudun sur ordre du connétable Arthur de Richemont et de la reine Yolande. Il fut jeté vivant dans une rivière, cousu dans un sac de cuir. Jean Vernat, dit « Le camus de Beaulieu » capitaine de Poitiers a succédé à Giac dans le cœur du jeune roi. En juin de la même année il fut assassiné à son tour. Le connétable et la reine de Sicile imposèrent au roi Georges de la Trémoille comme grand chambellan. Tout est prêt. L’opération Pucelle peut commencer. |
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Le pape Pie II avait compris...
Il était pape de 1458 à 1464, un peu après le procès d'annulation de 1456. Cette déclaration montre qu'il n'était pas dupe sur les ficelles de l'opération Bergère : "Il en est qui pensent que les grands du royaume s'étant divisés en présence des succès des Anglais et ne voulant ni les uns ni les autres accepter parmi eux un chef, l'un d'entre eux, le plus sage, aurait imaginé cet expédient d'alléguer que cette Pucelle était envoyée de Dieu pour prendre le commandement : nul homme n'oserait se refuser à l'ordre de Dieu. Ainsi la conduite de la guerre aurait été confiée à la Pucelle avec le commandement des armées." Maurice David-Darnac (page 107) : "L'opinion de ce souverain pontife, qui fut un des plus grands humanistes de son temps et dont les écrits appartiennent à la littérature universelle, présente une importance capitale, surtout lorsqu'il s'agit d'un jugement porté sur une femme aussi connue que Jehanne - dont il fut le contemporain." (ci-contre Détail de la fresque "Arrivée à Ancône" peinte par le Pinturicchio, 1504, "Scènes de la vie de Pie II" de la Libreria Piccolomini, cathédrale de Sienne) |
Vingt-six mois de vie publique (Marcel Gay, reprise de l'article 4/6 du 26 décembre 2022)
(remarque : en 1429, l'année commençait le 7 avril, jour de Pâques. Marcel Gay utilise les années d'époque, je les ai corrigées pour les adapter à notre actuel calendrier. C'est ainsi que février et mars 1428 deviennent février et mars 1429) [... présentation du contexte historique ...] Dans les faits, depuis 1422 il y a donc deux rois de droit divin, Charles et Henri qui se disent, tous deux, roi de France. C’est donc à Dieu de trancher. Jeanne sera sa messagère. Jeanne court une lance. 1428. Du côté de Domrémy, une jeune fille prétend recevoir ses ordres du Ciel. Elle veut aller par devers le roi Charles qui tient sa cour à Chinon. Jeanne se présente une première fois à Vaucouleurs : elle est éconduite par le capitaine de la place, le robuste Robert de Baudricourt. Elle se présente une deuxième fois à Vaucouleurs quelques semaines plus tard. Mais, cette fois, on l’écoute. Mieux : elle est appelée à la cour de Charles de Lorraine. Jeanne se rend donc à Nancy avec l’un de ses cousins. Elle rencontre à cette occasion René d’Anjou, le futur Bon roi René, futur duc de Lorraine et de Bar, fils de Yolande d’Aragon. Jeanne est invitée à courir une lance. Elle fait la démonstration de ses talents de cavalière. Les meilleurs cavaliers sont "esbaillis". Le duc Charles est subjugué par cette fille du pays de Barrois. Il lui offre quatre pièces d’or et un superbe cheval noir pour son voyage vers le roi. Le vieux duc de Lorraine ayant appris les pouvoirs surnaturels de Jeanne lui fait aussi une curieuse supplique. Il lui demande d’intercéder en sa faveur auprès de Dieu pour l’aider à se remettre en santé. La Pucelle lui conseillera de s’occuper un peu moins de sa jeune et belle maîtresse, Alison du May et un peu plus de son épouse. 13 Février 1429. A son retour de Nancy, le dimanche des Bures 1428, Jeanne est enfin autorisée à partir pour Chinon en compagnie d’une petite troupe conduite par Colet de Vienne, officier du Roi. Après 11 jours de voyage, Jeanne et ses compagnons arrivent à Chinon. Elle rencontre le roi une première fois. Elle le reconnaît « grâce à ses voix » parmi ses courtisans. « Elle fit les révérences accoutumées à faire aux rois comme si elle eut été nourrie à la cour » nous dit le chroniqueur Jean Chartier, historiographe de Charles VII. Ce jour-là, Jeanne confie au roi un secret que, six siècles plus tard, nous ne connaissons toujours pas. Mais dès cet instant Jeanne est traitée en véritable princesse du sang. Elle est logée dans tour du Coudrai où furent détenus les derniers Templiers. Les plus hauts dignitaires du royaume viennent la consulter. Les dames de la cour sont à son service. Or, Jeanne n’a encore accompli aucun exploit militaire. Peut-on penser que cet accueil puisse être réservé à une simple paysanne au début du 15ème siècle ? L’arme psychologique. Jeanne veut une armée. Elle veut combattre les Anglais. C’est la mission que Dieu lui a confiée. A-t-elle les moyens de se battre contre les Anglais et leurs redoutables longs bows ? Sans doute. Car Jeanne a une arme plus redoutable encore que les arcs et les bombardes : l’arme psychologique. Dieu est de son côté, saint-Michel, le chef des milices célestes est son conseiller. Qui peut en douter ? Jeanne va accomplir des miracles, de nombreuses prophéties annoncent sa venue depuis des années…Marie Robine, Elisabeth de Hongrie, et même Merlin ont prédit « qu’une Vierge de la forêt des Chênes (le bois chenu de Domrémy) chevaucherait contre le dos des archers (les Anglais) » Jeanne galvanise les troupes. Elle est annoncée par Dunois, le bâtard d’Orléans, dès le 12 février 1428 (journée des Harengs) à Orléans assiégée. On l’attend comme le messie. Elle va sauver d’abord la ville puis le royaume de France comme Jésus a sauvé les Hommes. Comme lui elle est née dans la pauvreté, comme lui elle parle par paraboles, comme lui elle fait des miracles… En face, les Anglais sont pétris de trouille. L’avantage tournera-t-il en faveur des François ? Mars 1429 : le livre de Poitiers [... voir plus loin le chapitre dédié ...] L’épée de Fierbois. Trois semaines après Poitiers, voilà Jeanne à Tours avec ses deux compagnons, Jean de Metz et Bertrand de Poulangy. Elle se fait confectionner une superbe armure de 29 pièces d’acier frappé au clair. Elle demande qu’on aille lui chercher une épée cachée au sanctuaire de Sainte-Catherine de Fierbois. Cette épée aux pouvoirs magiques, aurait appartenu à Du Guesclin et à Louis d’Orléans. Il s’agit d’une épée dont la lame est décorée de cinq croix, comme les cinq plaies du Christ. Jeanne est enfin prête pour la guerre. Mais, déjà, dès le 22 mars (mardi de la semaine sainte) elle décide d’envoyer une première lettre comminatoire aux Anglais leur demandant de quitter le royaume de France. Les compagnons d’armes. Fin avril 1429. l’année commençait alors le jour de Pâques, cette année-là le 7 avril). La Pucelle et son escorte arrivent à Blois. Elle y rencontre les principaux personnages qui accompagneront son épopée : Regnault de Chartres, Chancelier de France qui a présidé la commission de Poitiers, le sire de Gaucourt, gouverneur d’Orléans, l’amiral de Culant, le maréchal de Boussac, Ambroise Loré… Il y a aussi un jeune homme de 24 ans, magnifique sur son destrier : c’est Gilles de Rais, de la maison de Laval. Puis, arrivent Poton de Xaintrailles, gentilhomme gascon, Etienne de Vignolles, dit La Hire, autre capitaine Gascon aux colères mémorables, Jacques de Chabannes, seigneur de La Palice, Antoine de Chabannes seigneur de Dammartin, Arthur de Richemont, duc de Bretagne etc. Jeanne prend la tête de cette armée chargée d’accompagner un énorme convoi de vivres et de munitions destiné aux Orléanais. Dans trois jours, la Pucelle fera une entrée historique dans Orléans assiégée depuis octobre. La légende est en marche. ![]() 29 avril 1429. Jeanne entre dans Orléans. Miracle : les vents soufflent au bon moment, les barques peuvent remonter la Loire. Elle affirme qu’elle n’en repartira que lorsque la ville du duc Charles d’Orléans, prisonnier à Londres depuis Azincourt, aura été libérée. 4 mai. Prise de la bastille Saint-Loup, l’un des dix fortins dans lesquels sont réfugiés les Anglais. 6 mai. Attaque du fort des Augustins. Les Anglais sont délogés. 7 mai. Attaque des Tourelles. Jeanne est blessée au-dessus du sein gauche. Elle repart malgré tout au combat. 6OO Anglais sont tués, 200 se sont noyés, 600 sont faits prisonniers. Dimanche 8 mai 1429. Les Anglais ont peur. Ils lèvent le siège sans combattre à nouveau. Jeanne est reconnue comme l’envoyée de Dieu. La campagne de la Loire peut commencer. Les victoires militaires s’enchaînent. ![]() 11 et 12 juin. Jargeau est repris à l’armée anglaise. Beaugency capitule le 17 juin, le 18 juin c’est au tour de Patay. La chevauchée du sacre commence aussitôt. Jeanne demande au dauphin de se mettre en route pour Reims où aura lieu son sacre, le dimanche 17 juillet 1429, en présence de Jeanne et de son étendard. (Il a été à la peine, c’était bien raison qu’il fût à l’honneur) dira-t-elle. En quelques mois, les deux premières missions de Jeanne sont accomplies : la levée du siège d’Orléans et le sacre de Charles à Reims. Troisième mission : libérer Paris 8 septembre 1429. La Pucelle donne l’assaut porte Saint-Honoré. Elle est blessée à la cuisse. C’est un échec. Le roi ne lui confie plus son armée. 23 mai 1430. Jeanne veut malgré tout combattre les « Godons ». Elle se rend à Compiègne. A la tête de sa petite compagnie, elle va attaquer les Anglais. Mais elle est capturée ainsi que ses proches compagnons par un homme de Jean de Luxembourg qui combat pour le compte du duc de Bourgogne Philippe le Bon. Jeanne sera vendue 10.000 écus aux Anglais. De mai à décembre 1430 : Jeanne, prisonnière des Anglo-Bourguignons, est ballottée de château en château. On ne sait pas que faire d’elle. 23 décembre 1430. Arrivée à Rouen [... voir chapitre 9 sur le procès ...] Mercredi 30 mai 1431. Sur la place du Vieux-Marché de Rouen [... voir chapitre 7 sur le bûcher...] |
Jeanne d’Arc était un véritable chef de guerre, reconnu par ses pairs.
Sur ce thème, en cet article, Claude Wallaert commence ainsi : "Dès l’enfance, Jeanne a fait connaissance avec la guerre ; Domrémy se trouvait dans la mouvance des fidèles du dauphin, mais le pays alentour était profondément divisé entre les différentes factions lorraines, barroises, anglaises et bourguignonnes. [...} Parfois, pillages et vols de bétail alarmaient et désolaient les villageois.". Et ce serait comme cela que Jeanne serait devenue, à 17 ans, chef de guerre !! Dieu, cité une dizaine de fois dans l'article, a certes ce pouvoir... "C’est elle qui a compris la bonne approche pour pénétrer dans Orléans, ayant remarqué que les eaux de la Loire étaient grosses. [...] Elle donnait vraiment l’impulsion et les ordres qui orientaient le cours des évènements vers le succès. [...] Et les opérations reprennent, marquées par l’activité, la vitesse et l’efficacité". En un autre aticle, Jacques HM Cohen traite de "Jeanne d'Arc chef de guerre". Il conclut : "Jeanne n’a jamais prétendu être l’instigatrice des ses propres actions, mais avoir entendu des voix les lui ordonnant. Les croyants sont obligés par son histoire d’admettre Dieu, fin politique et fin stratège militaire. Pour les mécréants, la voix principale est certainement celle de Yolande d’Aragon, belle-mère du roi Charles VII, remarquable femme politique. Son acolyte militaire restant lui incertain : Richemond ? Dunois ? D’Alençon ? ou… Gilles de Rais qui fût quand même nommé Maréchal de France au lendemain du sacre". Une page du site jeannedomremy.fr suggère l'usage d'une arme à feu (handgonne ou escopette) et le soutien de "régiments écossais arborant la croix templière". |
![]() ![]() Charles d'Orléans, prisonnier dans la tour de Londres, écrit ballades, rondeaux et rondels (British Library) |
![]() A gauche, le blason des Orléans et, au centre, celui de la Pucelle (selon Wikipédia) : de nombreux points communs. A droite, le blason de la famille d'Arc (il n'est toutefois pas établi qu'il était d'usage dans la famille d'Arc de Domrémy). Si Jeanne était fille d'Arc, elle arborerait évidemment le blason des Arc ou un dérivé. Conclusion ? |
En s'appuyant sur le dessin du brevet original (ci-dessus), l'analyse sur jeannedomremy.fr va plus loin. "Cette arme aux caractéristiques bien spéciales, cinq signes (croix ou fleurs de lys ?) sur la lame, était donc l'épée du géniteur de Jeanne, Louis d'Orléans... Selon les termes mêmes du brevet d'armoiries, l'épée est dite férue en pal dans la couronne. Couronne dont on peut constater qu'elle s'incline sur l'arrière, de telle sorte qu'elle dévoile la perspective de sa base... Et laisse donc apparaitre à sa base une ouverture oblongue, que vient " empaler " la lame. Cette " fente " représente ici ni plus ni moins que la vulve de la Reine, Isabeau de Bavière. La couronne penchée vers l'arrière représente la reine ... culbutée !!! Et rappelons que l'épée a été de tous temps le symbole phallique par excellence ! Le tout est la représentation héraldique du sexe de Louis d'Orléans pénétrant Isabeau de Bavière...". Vous croyez à une nouvelle coïncidence ? Il y en a d'autres qui font croiser les Orléans et Jehanne. Notamment :
![]() L'île aux boeufs, cadeau de Charles d'Orléans... Pourquoi ? |
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Dunois, le bâtard d'Orléans, demi-frère de Jeanne... (ci-dessous extraits de sa page Wikipédia)
Jean est le fils illégitime de Louis, duc d'Orléans (1372-1407), fils cadet de Charles V et frère tout-puissant de Charles VI. Sa mère est Mariette d'Enghien. [...] Lors du siège d'Orléans, le bâtard d'Orléans assume le rôle de chef militaire de la maison d'Orléans, rameau de la dynastie royale des Valois, puisque le duché d'Orléans est privé de ses dirigeants légitimes. En effet, les deux demi-frères du bâtard, le duc Charles d'Orléans et le comte Jean d'Angoulême, demeurent prisonniers des Anglais. Le commandement des centaines d'hommes d'armes dépêchés par Charles VII afin de protéger la capitale du duché incombe ainsi au futur comte de Dunois. Le bâtard ne paraît pas encore jouer de « rôle proprement politique » en ce temps bien qu'il siège au Conseil royal à partir de l'année 1428. Jean devient un compagnon d'armes de Jeanne d'Arc dès sa venue devant Orléans assiégée, participant à nombre de ses faits d'armes. Il participe à la levée du siège puis contribue à la victoire de Patay en 1429. [...] |
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Robert de Baudricourt (Cherpillod, extrait des pages 257 et 258)
Robert de Baudricourt est donc le beau-frère du sénéchal d'Anjou et l'oncle par alliance du comte de Vendôme, grand seigneur de sang royal. [...] Il était allié à une famille de haute noblesse, proche de la famille royale. Les domrémistes qui nous la décrivent comme un petit fonctionnaire provincial sans envergure et sans relations, se moquent cruellement de la vérité historique. |
Chronique de Philippe de Vigneulles, marchand de chaussures à Metz de 1471 à 1528 (BnF), extraits de la transcription présentée en page XI du livre de Marcel Gay 2007 (==>Gay XI).
En l'an 1436, sire Philippe Marcoult fut maître-échevin de Metz. En ladite année, le 20eme jour de mai vint la Pucelle Janne qui avoit été en France et par son moyen reconquestait ledit royaume et remit le roy dans son royaume et sacré et couronné à Reims. [...] Et puis s'en revint à Arlon. Et là fut mariée à Messsire Robert des Armoises, chevalier. Et l'amenait ledit seigneur Robert à Metz en une maison qui était auprès de Sainte Ségolène. Toutefois, on disait qu'elle avait été prise devant Compiègne et mise en la main des Anglais qui la firent brûler sur le pont de Rouen. Mais ce fut une fiction. |
Les évènements majeurs de la vie de la Pucelle après la scène du bûcher (page du site jeannedomremy.fr)
La réapparition de la Pucelle est donc attestée par de nombreux textes qui constituent ensemble un faisceau de présomptions et de preuves. Tous ces documents ont permis à de nombreux historiens d'entreprendre des recherches et de nous restituer une histoire complète de la Pucelle en tenant compte des éléments historiques disponibles après la scène du bûcher. 1431. Ces auteurs soutiennent que l'évasion de Jeanne a été organisée et qu'une sorcière qui attendait son exécution a été conduite à sa place au bûcher. La scène de l'exécution qui ne permet pas d'identifier la Pucelle renforce le doute. Cette dernière a été sauvée avec la complicité de nombreuses personnalités dont Cauchon et Bedford. 1431-1435. Le Journal d'un bourgeois de Paris, note qu'on lui donna pénitence : "c'est assavoir quatre ans en prison, au pain et à l'eau, dont elle ne fit aucun jour." Les historiens modernes complètent les textes anciens : le comte Pierre de Sermoise et le baron Pesme évoquent l'existence du château de Montrottier, en Savoie, où elle aurait été détenue et où se visite encore une chambre dite "prison de la Pucelle". 1436. Jeanne fait sa réapparition près de Metz le 20 mai 1436 sous le nom de Claude des Armoises, déclarant devant de nombreux seigneurs qui se trouvaient réunis, qu'elle était la " Pucelle de France ". Les frères de Jeanne la reconnurent ainsi que des chevaliers lorrains. Elle se rendit une semaine dans un premier village à Bocquillon (Vaucouleurs d'après le baron de Braux) et trois semaines dans un autre près de Metz, où de nombreux cadeaux lui furent offerts. Ensuite la Pucelle fit un pèlerinage à Notre Dame de Liesse, demeura plusieurs semaines à Marieulles (ou Marville ?) et s'en alla retrouver sa tante, la duchesse de Luxembourg à Arlon, chez qui elle résida cinq mois. La Pucelle prépara son mariage avec le chevalier des Armoises chez la duchesse. [... suit le mariage ...] L'union matrimoniale de Jeanne est attestée également par l'acte de vente du 06 novembre 1436 du quart de la seigneurie de Haraucourt à Colart de Failly, écuyer, demeurant à Marville et à Poinsette sa femme, par Robert des Armoises, chevalier, seigneur de Tichemont, et sa femme Jehanne du Lys, la Pucelle de France, qualifiée en la circonstance de "ma femme...". 1437-1439. La Chronique du Doyen de Saint-Thibaut signale également un voyage à Cologne chez le comte de Wirnembourg qui lui offrit une belle cuirasse. Aux archives de cette ville, on trouve une brève note selon laquelle une escorte aurait été accordée à la Pucelle. La Pucelle se déplace ensuite de 1437 à 1439 pour de nouvelles campagnes dans le sud-ouest et c'est ainsi que dans la chronique d'Alvaro de Luna, connétable des royaumes de Castille et de Leon, on trouve au chapitre 46 un titre qui ne laisse pas d'intriguer : "Comment la Pucelle qui était à La Rochelle envoya demander secours au roi d'Espagne et ce que le connétable fit pour elle". Florence Maquet clôt alors son étude sur la liste de ceux, à ce jour connus, qui virent et reconnurent Jeanne après le bûcher de Rouen. Vingt-quatre noms de personnalités importantes parmi lesquels celui de sa mère, ceux de ses frères, de ses compagnons d'arme, celui de la duchesse d'Anjou, du roi lui-même... André Cherpillod complète cette précédente liste et donne une évaluation réaliste quant au nombre de personnes qui ont côtoyé la Dame des Armoises : "Ils sont des centaines à reconnaître la Pucelle". [...septembre 1439, rencontre avec le roi Charles VII, Jeanne des Armoises se fait ensuite très discrète...] 1440-1449 Le trésorier d'Orléans inscrivit dans ses registres à propos des dépenses accomplies pour Isabelle Romée, la mère officielle de Jehanne, que la ville avait pris en charge : "à Isabeau, mère de Jehanne la Pucelle, pour don fait à elle...". Et cette même phrase se répète de 1439 à 1446. Mais à partir de cette date, au mois de septembre, on enregistre la modification suivante : "à Isabeau, mère de feue Jehanne la Pucelle..." [David-Darnac, Gay et Cherpillod indiquent la date de 1449, voir ci-après] La survivance de Jeanne est également confirmée par un acte de donation rendu à la Chambre des Comptes par Maître Robin Gaffard le 29 juillet 1443, disponible au Trésor du domaine d'Orléans et transcrit dans les Recherches de la France de Pasquier, livre VI et chapitre V. Le duc d'Orléans transfère à Pierre du Lys la jouissance gratuite à titre héréditaire de l'Isle aux Boeufs sur la Loire. Cette donation indique que Pierre du Lys, qui se mit au service du roi "nostre dit Seigneur et de Monsieur le Duc d'Orléans, en la compagnie de Jehanne la Pucelle, sa soeur, avec laquelle, jusques à son absentement et depuis jusques à présent il a exposé son corps et ses biens audit service...". Pierre accompagnait donc ainsi la Pucelle jusqu'à la date de cet acte. Quant à la " mère " de Jeanne, Isabelle de Vouthon, elle ira vivre à Orléans depuis le décès de son mari jusqu'en 1460. Elle ne reniera jamais la Dame des Armoises... |
Où et quand Jeanne est-elle morte ? (André Cherpillod, page 480)
Où Jeanne est-elle morte ? Peut-être à Jaulny, peut-être à Autrey, qu'elle fréquentait. Probablement pas à Metz, car on aurait trouvé trace des obsèques dans les documents, ce qui n'est pas le cas. Quand est-elle morte ? On n'a malheureusement aucune certitude sur le sujet. L'écrivain Bernard Simonay assure que ce fut le 4 mai 1449 [on retrouvera cette date au chapitre suivant, expliquée par Marcel Gay]. C'est en effet possible, car on connaît une pièce comptable de la ville d'Orléans, à la date du 20 août 1449 : "à Isabeau, vefve de feue Jehanne la Pucelle, pour don de la ville lui fait...". Un autre document, daté du 31 juillet 1450, le confirme. Charles d'Orléans fait un don de 27 sols 6 deniers "au frère de la feue Pucelle" (Quicherat, V, P. 214). |
Le château de Jaulny et son portrait de Jeanne des Armoises (André Cherpillod, extraits des pages 479 à 481)
Depuis des générations, une tradition locale existe, qui se répète de bouche à oreille : le château qui couronne le village est celui de la Pucelle Jeanne. Un "document", ce n'est pas toujours un écrit ; un château et une tradition qui dure cinq siècles sont aussi une certaine forme de document. Les domrémistes affirment - sans preuve bien entendu, leur parole doit suffire - que ce château n'appartint à la famille des Armoises qu'à partir de 1450. Colette Beaune et Olivier Bouzy (p. 182) ont même une préférence pour 1597. Par suite, Robert des Armoises, décédé en 1450, ne pourrait pas y avoir habité. En réalité, ce château a appartenu à la famille des Armoises à partir de 1357. [...] Cela ne prouve pas que Jeanne et Robert des Armoises y ont habité, mais cela rend cette résidence possible, en dépit des affirmations domrémistes. C'est autour de 1950 que le château de Jaulny est entré dans la littérature johannique [...]. "Au château de Jaulny, des travaux de restauration ont permis de découvrir les portraits de Jeanne et de son mari, le sire des Armoises. Une tradition très ancienne perpétuée dans ce village lorrain, voulait en effet qu'une peinture représentant Jeanne fut cachée quelque part dans le château. Cette peinture resta introuvable jusqu'au jour où un architecte de Metz, venu pour effectuer des restaurations, fit tomber un enduit de torchis et de paille dissimulant une superbe cheminée du XVème siècle, présentant à son fronton, deux portraits peints à fresque. Jeanne y est présentée casquée [en fait, c'est un voile] et de profil" (P. de Sermoise, in C. Pasteur, p. 18). Au-dessus de cette cheminée, deux médaillons sont censés représenter Jeanne et Robert des Armoises. [...] Leur excellent état de conservation est dû au fait qu'ils ont été longtemps recouverts par une cloison qui les protégeait de l'air. ![]() ![]() Carte postale ![]() ![]() A Jaulny et à Metz |
L'église de Pulligny a abrité le tombeau de Jeanne des Armoises (André Cherpillod, extraits de la page 432)
On dit que Jeanne des Armoises aimait beaucoup la petite église de Pulligny-sur-Madon, à 17 kilomètres au sud de Nancy, et avait même pris une part importante à sa rénovation. Depuis le XVème siècle, la rumeur assure que c'est là qu'elle fut enterrée, à droite de l'autel. A partir de la fin du XVIIème siècle, une plaque funéraire indiquait qu'en ce lieu avait été enterrée "Jehanne du Lys, Pucelle de France, épouse de Messire Robert des Armoises", ou quelque chose d'approchant (on ne possède pas de copie authentique). Cette plaque aurait été enlevée par des vandales, et probablement détruite, en 1891, à l'époque de la campagne menée par des catholique fanatiques pour la canonisation de la Pucelle. "Il ne reste plus que trois moulures et, à la clef de voute de la chapelle, un écusson probablement gênant a été gratté - alors que dans la chapelle voisine, où reposent les membres de la famille de Joinville, plaque et écusson sont demeurés intacts." (P. de Sermaise, in C. Pasteur, p. 19-20) On comprend que les catholiques intégraistes de l'époque aient été gênés par cette inscription, qui prouvait la fausseté de la légende, au point de ne pas reculer devant un acte de vandalisme. J'ai déjà signalé le nombre colossal de destructions de tout ce qui rappelle la Pucelle, au cours de la seconde moitié du XIXème siècle. En 1929, l'église de Pulligny reçut la visite de Gaston de Sermoise. Le curé d'alors, l'abbé Célestin Piant (1849-1938), lui parla d'une tradition profondément enracinée dans ce coin de Lorraine : Jeanne, la Pucelle de France, était inhumée dans la chapelle de droite, avec son époux Robert des Armoises. En novembre 1968, des recherches furent faites par son neveu Pierre de Sermoise en présence du maire et d'un maçon. On trouva une pierre portant l'inscription "Priez pour la dame dycelle" suivi d'une croix franciscaine. Le tout est maintenant recouvert d'un carrelage de cuisine bleu et blanc. Quelques jours après, l'autorisation de recherche était annulée. Si, en haut lieu, on avait été absolument certain qu'il n'y avait rien à découvrir à cet endroit, cette autorisation eût évidemment été prolongée. Dans l'état actuel des connaissances, le château de Jaulny en tant que dernière résidence de Jeanne la Pucelle et Robert des Armoises, et l'église de Pulligny-sur-Madon en tant que lieu de sépulture de Jeanne, sont des présomptions extrêmement fortes, mais qu'on ne peut absolument pas transformer en certitudes, faute de documents fiables. |
"J’ai découvert le crâne de Jeanne d’Arc" 1/2
Première partie de l'article 6/6 du 28 décembre 2022, par Marcel Gay Le culte national de Jeanne d'Arc A l’exception de Voltaire qui publia à Genève en 1752 un poème héroïco-comique intitulé La Pucelle d’Orléans, Jeanne fut oubliée pendant plusieurs siècles. Jusqu’en1870. La défaite de Sedan fut un traumatisme pour tous les Français. La France a perdu la guerre contre la Prusse. Paris est occupé. L’Alsace et la Moselle sont annexées. La République est en proie à une guerre civile dévastatrice entre cléricaux et anticléricaux. Il faut absolument ressouder le pays autour d’un mythe fondateur. Il faut trouver un héros que personne ne pourra contester. Pour répondre à ces exigences, l’Église et l’État vont s’associer pour faire de Jeanne, à la fois sainte et guerrière, le symbole de la réconciliation nationale. Déjà, Mgr Félix Dupanloup, évêque d’Orléans, a demandé au pape l’ouverture d’un procès en canonisation. Jeanne sera béatifiée en 1909 et canonisée en 1920 pour cinq petits miracles accomplis grâce à son intercession. ![]() ![]() ![]() L'évêque Félix Dupanloup (1802-1878), le cardinal Eugène Tisserant (1884-1972), organisateur de la canonisation de 1920, et le docteur Sergueï Gorbenko. Elevée au rang de culte national, Jeanne va susciter une ferveur irrationnelle. On donne son nom à des milliers de rues, de places, de collèges et de lycées, d’institutions laïques et religieuses. Jeanne inspire plusieurs dizaines de milliers de livres (dont 22.000 sont répertoriés au Centre Jeanne d’Arc d’Orléans), autant d’articles dans les revues spécialisées, six opéras et une cinquantaine de films dont le premier, muet, est réalisé en 1898 et dure environ 30 secondes. Jeanne est partout. Dans les rues et dans les églises. Plus de 40.000 statues présentent la bergère ou la guerrière selon l’inspiration plus ou moins fantaisiste des artistes. Car on ne connaît pas les traits du visage de Jeanne. La publicité s’empare de l’aubaine. On donne le nom de Jeanne d’Arc à des boites de sardines ou de camembert. Les manuels d’histoire reprennent à l’envie l’épopée merveilleuse de la Pucelle, petite bergère de Domrémy, guidée par des voix célestes qui a sauvé la France. L’école laïque reprend à son compte les invraisemblances des récits du 15ème siècle. Pas question de remettre en cause un mythe fondateur de la République ! Mais si la légende est belle, l’histoire est fausse. Fouilles à Cléry-Saint-André Même si l’église a toujours caché la vérité sur Jeanne, des historiens et des chercheurs tentent depuis longtemps de percer le mystère qui entoure la Pucelle. De nombreux ouvrages ont remis en cause la version officielle. Mais ils ont été peu diffusés. Au cours du deuxième semestre 2001 un scientifique Ukrainien va faire une découverte extraordinaire, dit-il, dans les tombes de la basilique royale de Cléry-Saint-André, dans le Loiret. Le Dr Sergueï Gorbenko est chirurgien maxillo-facial et historien. Cette double formation le conduit à travailler au sein de l’Institut et musée d’Anthropologie et de Reconstruction faciale de Lviv (Ukraine). L’Institut a élaboré un programme ambitieux visant à créer une Galerie des portraits des personnes historiques du Moyen-Age. Sergueï Gorbenko est venu travailler en France. Ce scientifique de réputation mondiale a ainsi reconstitué le visage de Saint-Bernard de Clervaux mort en 1153 dont le crâne placé dans un reliquaire fut caché par un curé pour le préserver des destructions de la Révolution. Le Dr Gorbenko souhaite aussi retrouver le vrai visage des rois de France. En août 2001, il a obtenu l’autorisation de travailler sur les crânes de Louis XI et de Charlotte de Savoie, son épouse, conservés à la basilique Notre-Dame de Cléry-Saint-André, près d’Orléans. Or ses premières investigations ont été plutôt décevantes. Les ossements conservés dans la crypte appartiennent en fait à quatre individus différents. Sergueï Gorbenko ne s’arrête pas sur ce demi-échec. Il part à la recherche de l’os nasal du roi Louis. Il demande et obtient l’autorisation d’effectuer des fouilles complémentaires. D’abord dans la tombe de Tanneguy du Chastel, à droite de l’escalier du caveau royal. Par sa grande taille il avait sauvé le roi qui, en reconnaissance, le fit inhumer à sa droite. Dans l’intérêt de l’Histoire Le Dr Gorbenko constate rapidement qu’il y a eu des ossements mélangés de plusieurs squelettes. Mais surtout que ses propres constatations sont en contradiction avec les fouilles effectuées à Cléry-Saint-André au XIXème siècle, très exactement en 1818, 1854, 1887 et 1889. Le scientifique ukrainien poursuit donc ses recherches dans le sous-sol de la basilique. Cette fois, il fait ouvrir la chapelle Saint-Jean dite aussi des Longueville qui abrite les sépultures de Dunois, le compagnon d’armes de Jeanne, de son épouse Marie d’Harcourt et de certains de leurs descendants. Ouverte sur les cinquième et sixième travées du collatéral sud de la basilique, cette chapelle est un bijou architectural. Construite entre 1464 et 1468 par Simon du Val, elle a été partiellement détruite par les huguenots. Les voûtes d’ogives à trois quartiers furent reconstruites à l’identique en 1655. Aux clés des voûtes, cinq écussons aux armes de France et de Longueville. Le Bâtard d’Orléans est mort le 24 novembre 1468 à L’Haÿ, près de Bourg-la-Reine. La sépulture de Dunois a été visitée à plusieurs reprises. Le 18 décembre 1854, par une commission de la Société archéologique de l’Orléanais qui fit sceller une pierre au nom de Dunois et les 7 et 8 juin 1887, à l’occasion des fouilles autorisées dans la chapelle dans l’intérêt de l’histoire de Cléry (sic). Le chanoine Lucien Millet, curé-doyen de Notre-Dame de Cléry rappelle que les fouilles de 1887 furent effectuées sous la direction de M. Dusserre, architecte et inspecteur des Monuments historiques, par M. Louis Jarry, l’abbé Saget, curé et M. le Marquis de Tristan, maire. Le chanoine affirme que la place de tous les tombeaux a été définitivement fixée ! Louis Jarry qui assista à ces fouilles précise (page 130) : Nous y avons contemplé avec une respectueuse émotion les restes du compagnon d’armes de Jeanne d’Arc et admiré les harmonieuses proportions de son crâne au front large et développé. L’historien décrit avec précision l’emplacement des corps. Nous avons trouvé dans ce caveau qui n’avait pas été violé comme plusieurs autres, une grande bière de plomb en forme de toit à double pente, infléchie sous le poids d’une autre bière en même métal plus petite, sans doute le corps d’un enfant sur celui de sa mère…. Le Dr Gorbenko fut surpris de ces fouilles à répétition à des dates aussi rapprochées dont les données scientifiques ne correspondent pas à ses propres découvertes. Plus curieux, de nouvelles fouilles plus complètes, nous dit le chanoine Lucien Millet, ont été effectuées par l’abbé Louis Saget en 1889. On notera que 1887 et 1889 correspondent aux prémices de la canonisation de Jeanne que réclame si ardemment Mgr Dupanloup, évêque d’Orléans. Photos et vidéos Sergueï Gorbenko, après avoir exploré les caveaux de Louis XI et de Tanneguy du Chastel, se fit donc ouvrir le caveau de Dunois le 27 novembre 2001 par un marbrier. Il découvre plusieurs tombeaux et plusieurs cercueils mais leurs descriptions ne correspondent pas à celles de Louis Jarry ni à celles du curé Louis Saget. A la place des restes de Marie d’Harcourt et de son fils il y a des ossements masculins. Le Dr Gorbenko pénètre dans un autre tombeau, à gauche de celui de Dunois, en faisant enlever quelques pierres. Il y a là un cercueil en plomb et à l’intérieur des ossements d’une femme, apparemment de grande taille. Puis il découvre d’autres ossements ainsi que des objets archéologiques. Le scientifique prend des photos et tourne des vidéos. Sur l’une d’elles on voit nettement la date 7 juin 1887 écrite sur une paroi de ce tombeau. A l’évidence, les bouleversements sont nombreux. Le Dr Gorbenko en déduit que l’on a volontairement modifié le contenu des tombeaux. Pour lui, la commission de 1887 ne dévoile pas les vrais motifs de l’ouverture du tombeau de Dunois. Il croit aussi que le curé Louis Saget a procédé des déplacements d’ossements. Pour brouiller les pistes ? Peut-être. Finalement, au terme de sa longue étude, le Dr Gorbenko parvient à identifier la plupart des ossements. Il affirme pouvoir reconstituer le visage véritable de Louis XI, le visage de Tanneguy du Chastel et il certifie qu’un crâne de femme qui n’est pas Charlotte de Savoie mais un personnage encore plus intéressant pourra être reconstruit ! Sans dire de qui il s’agit. |
![]() ![]() ![]() Hors de France, la naissance et la mort de Jeanne d'Arc sont peu remis en cause. En 2021, l'Italienne Sabina Marineo a publié le livre "Giovanna d'Arco: Una donna, due vite" (Jeanne d'Arc : une femme, deux vies). Elle s'en explique sur cette page (traduction en français sur pdf) avec en illustrations Yolande d'Aragon et le couple des Armoises. |
"J’ai découvert le crâne de Jeanne d’Arc" 2/2
Seconde partie de l'article 6/6 du 28 décembre 2022, par Marcel Gay Une convention secrète Dans ses conclusions remises à la DRAC d’Orléans, le Dr Gorbenko écrit : Des informations en notre possession nous permettent d’affirmer que la basilique de Notre-Dame de Cléry est un monument pour la France car elle abrite les sépultures et les dépouilles d’au moins quatre personnages qui, de leur vivant, ont joué un rôle déterminant dans la formation de l’Etat français. En outre, nous étudions actuellement l’hypothèse selon laquelle l’un des crânes examinés appartiendrait à un personnage historique de renommée mondiale. Le savant ukrainien ne donne pas son nom. Denise Reynaud, alors adjointe au maire de Cléry chargée des Affaires culturelles et du Patrimoine a suivi officiellement les travaux du Dr Gorbenko qui, le 16 octobre 2001, a signé une convention secrète avec la mairie sur ses futures découvertes. Elle se souvient : J’ai reçu en 2001 le Dr Gorbenko et son associé M. Oleg Nesterenko qui venaient pour la reconstitution faciale de Louis XI. Ils avaient toutes les autorisations nécessaires. Mme Reynaud va aider autant que possible le savant ukrainien par l’achat de pellicules photos et du matériel nécessaire à sa mission scientifique. Le chantier va s’échelonner sur plusieurs mois en trois périodes. A la fin de sa dernière visite, le 12 janvier 2002, le Dr Gorbenko nous a conviés dans son gîte de Cléry où il habitait avec sa femme et ses enfants ajoute Mme Reynaud. Il y avait le maire, M. Clément Oziel, le curé Robert Leroy, doyen de la basilique, Jean-Marie Montigny, diacre permanent du diocèse d’Orléans, Mme Martine Klein, la logeuse du Dr Gorbenko en région parisienne et moi-même. Il nous a annoncé, très solennellement, autour d’un verre de vin rouge et quelques tranches de saucisson :’’J’ai retrouvé le crâne de Jeanne d’Arc et reconstitué son histoire’’. Il ne nous a pas dit comment il était parvenu à cette découverte. Nous avons été surpris, un peu choqués. Nous lui avons demandé d’apporter des preuves. Ce qu’il n’a pas fait. Le curé a été très surpris, le diacre encore plus. Mais nous n’avons rien dit à personne. La population de Cléry n’a pas été mise au courant. Le diacre Jean-Marie Montigny confirme : Oui, il nous a dit qu’il avait retrouvé le squelette de Jeanne d’Arc, cela nous a fait bien rire. "La découverte de ma vie" Martine Klein a hébergé le Dr Gorbenko durant tout son séjour en France. Elle a suivi ses travaux et rédigé ses rapports en Français, tous deux s’exprimant dans la langue de Goethe. Un jour, il est revenu de Cléry avec Oleg Nestderenko en disant ‘’Je pense avoir fait la découverte de ma vie’’ dit-elle. Mais il n’en a pas dit plus. Je n’ai pas posé de questions. Quelques mois plus tard, il m’a révélé qu’il s’agissait d’un personnage célèbre. J’apprendrais ensuite qu’il s’agissait de Jeanne d’Arc. Martine Klein a participé au classement des ossements découverts par le Dr Gorbenko et à leur rangement dans de petits cercueils destinés à être inhumés ultérieurement. Elle est persuadée que Sergueï Gorbenko a bien découvert les restes de Jeanne la Pucelle car elle le connaît bien, c’est un scientifique très consciencieux qui ne donne pas d’information sur ses travaux à la légère. Sergueï Gorbenko a dû repartir dans son pays en août 2002, son titre de séjour n’ayant pas été renouvelé. Selon Martine Klein il était très amer que la France ne reconnaisse pas la portée de ses travaux dans la basilique de Cléry. Il écrira sa déception le 8 janvier 2003 dans une lettre adressée à Mme Reynaud dans un français approximatif mais très compréhensible : J’ai des preuves sérieuses de l’appartenance de le crâne de Jeanne d’Arc. De la centaine de villes françaises seraient heureuses d’avoir une relique d’un doigt seulement. Chez vous se entier de celle-ci son squelette.
![]() ![]() ![]() A gauche et à droite, à Cléry, Louis XI et Dunois. Au centre Jeanne d'Arc, rappel de la statue présentée au chapitre 12. Des objets archéologiques Une lettre un peu identique sera adressée le 17 mai 2005 à la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d’Orléans. Le savant précise qu’il a procédé à l’étude ostéométrique de six squelettes et l’étude craniométrique de douze crânes dans la chapelle de Dunois. J’ai fait l’étude criminalistique et l’identification de ces squelettes écrit-il en affirmant encore qu’il a trouvé de remarquables objets archéologiques parmi lesquels deux fibules d’or du 15ème siècle et un petit poignard. Tous ses ossements ont été mis en bon ordre par moi et placés dans des boites pour des obsèques ultérieures. Tout ce travail a été effectué en huit mois. Des preuves ? Sergueï Gorbenko n’en avance pas l’ombre d’une seule. Ni auprès de la mairie de Cléry, ni auprès de la DRAC. Il a bien découvert les ossements de Jeanne d’Arc nous a confirmé plusieurs fois Oleg Nesterenko, l’ancien associé du savant. Mais les preuves lui appartiennent, ce n’est pas à moi de les dévoiler. De Pulligny à Cléry ? Cléry comme au ministère de la Culture ces révélations ont été qualifiées de pures spéculations puisque, précise-t-on, les ossements analysés par Gorbenko ont été déplacés si souvent qu’il n’est pas certain qu’ils appartiennent aux Valois. En tout cas, il n’est pas interdit de penser que les restes de Jeanne des Armoises aient été transférés de Pulligny-sur-Madon à Cléry-Saint-André, à la fin du 19ème siècle. On peut comprendre que, pour sauvegarder la légende de Jeanne d’Arc, l’Église ait effacé les traces de la présence de Jeanne dans la petite église lorraine. Si tel était le cas, ce qui restait des ossements de la Pucelle ne pouvait pas être placé ailleurs que dans la basilique royale de Cléry ou repose pour l’éternité, non seulement le roi de France Louis XI, mais surtout Dunois, fils de Louis d’Orléans. Car Jeanne la Pucelle est princesse d’Orléans. Il n’y aurait rien d’invraisemblable qu’elle soit inhumée ici, parmi les siens. |
![]() ![]() A gauche, Jeanne d'Arc face aux théologiens de l’Université de Paris qui s’étaient réfugiés à Poitiers. Statue et bas-relief de Maxime Real del Sarte 1929 à Poitiers, dans le square près de la tour Maubergeon (lien). A droite, interrogatoire de Jeanne d'Arc à Poitiers. Vitrail de l'église Notre-Dame la Grande à Poitiers, par Henri Carot 1910 (liens : 1 2). |
La disparition du livre de Poitiers est incompatible avec la légende (André Cherpillod, extraits des pages 317 et 318)
"Ce manque de curiosité au sujet d'un document aussi capital confirme, a priori, que le dossier de Poitiers contenait des précisions embarrassantes sur l'âge et les origines de la Pucelle" (Forlière, p. 61). En effet, si le Livre de Poitiers est disparu de façon si malencontreuse, ce ne peut être que pour une seule raison : il contenait non seulement des éloges sur Jeanne, mais surtout des précisions sur son âge et/ou sur sa filiation et/ou sur son sexe. Il s'agissait de redoutables secrets d'Etat. En revanche, si ce livre avait établi de façon irréfutable que Jeanne était une humble bergère, fille légitime de paysans de Domrémy, née en 1412, il est évident qu'il eût constitué la pièce maîtresse du procès en annulation, puisque le principal rôle de celui-ci était justement d'établir fermement cette version. Et même s'il était disparu à cette époque, avec toutes ses copies, ce qui est peu vraisemblable, cela n'empêchait pas d'en parler. [...] Le Livre de Poitiers serait le document fondamental pour bien juger du point de départ de l'épopée johannique. Il est absolument invraisemblable que cette perte soit naturelle. De ce qui s'est dit à Poitiers, la postérité n'aura le droit de rien savoir : c'est incompatible avec la légende. |
Fâcheuses disparitions... (Maurice David-Darnac, extrait de la page 378)
Le "Livre de Poitiers" a disparu, tout comme l'original du procès de Rouen et les rapports des deux commissions d'enquête envoyées à Domrémy (la première à la demande des examinateurs de Chinon, la seconde par décision des juges de Rouen), ainsi que la plupart des lettres que la Pucelle envoya au cours de son épopée, tant aux souverains de France, d'Angleterre ou de Bourgogne, qu'aux "bonnes villes" qui tenaient pour la monarchie légitime... Le contrat de mariage de Jehanne et Robert est perdu, et la correspondance que la dame des Armoises entretint avec Loches, Chinon et Orléans, sans parler de ses missives à Charles VII, est égarée... Que les auteurs classiques le veuillent ou non, il y a là matière à réflexion, et l'on en vient fatalement à se demander si toutes ces fâcheuses disparitions ne peuvent être qu'imputées à une série de coïncidences purement fortuites... |
Du neuf en 2022 sur le Livre de Poitiers ! (extraits de l'article de Marcel Gay commentant le livre de l'avocat, Maître A.-P. Turton "L'histoire inconnue du livre de Poitiers").
Me A.-P. Turton consacre son cinquième chapitre "A la recherche du contenu du livre de Poitiers", puisqu’il ne nous est pas parvenu. Il fonde sa démonstration, très technique juridiquement, sur les "conclusions" du tribunal. Il apparait possible de reconstituer à rebours les éléments de fait et de Droit soulevés pour faire adouber Jeanne par les docteurs de Poitiers. Les choses étaient loin d’aller de soi pour Jeanne et il apparait que c’est l’habileté d’un clerc à manier le Droit qui aura permis d’emporter les suffrages… Nous apprenons au passage son nom. L’auteur dévoile ensuite "les secrets politiques associés au Livre". |
![]() "Jeanne au bûcher" de Paul Claudel et Arthur Honegger (1938). "Avec la mise en scène de Roméo Castellucci, et surtout la bluffante 1interprétation d’Audrey Bonnet dans le rôle de Jeanne, l’oratorio de Honegger entre dans la légende de l’Opéra de Lyon" (photo Antonio Mafra, lien). Octobre 2019 : "«Dénaturée», «obscène», «transgenre», «pornographique»: la mise en scène de Castellucci pour le «Jeanne d’Arc au bûcher» programmé à La Monnaie attire les foudres de certains chrétiens. Mais la direction de l’opéra tient bon (lien). |
![]() | ![]() Je trouve que Jeanne a le front, le nez, la bouche et le menton des Valois, en particulier de son frère ou demi-frère Charles VII. J'ai donc effectué cette comparaison par le site Betaface. Le résultat est plutôt bon, mais ce n'est qu'un vague indice, complémentaire à l'avis de chacun. A gauche, portrait d'époque par Jehan Fouquet (Le Louvre), à droite, inspiré par Fouquet, portrait du XIXème siècle par Henri Lehmann (château de Versailles) |
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![]() ![]() 8 mai 1429, l'entrée triomphale dans Orléans, tableau de Jean-Jacques Scherrer 1887, musée des Beaux-Arts d'Orléans. Couronnement de Charles VII à Notre-Dame de Reims, le 17 juillet 1429. Enluminure du XVème siècle ornant un manuscrit de la "Chronique abrégée des rois de France" (BnF). A droite, Jeanne tient la bannière des rois de France. |
![]() ![]() 23 mai 1430, Jeanne capturée à Compiègne. Tableau de Adolf Alexander Dillens vers 1850, Musée de St Petersbourg. 1431, Jeanne en prison à Rouen. Tableau de Gillot Saint-Evre 1833, Madrid. |
Exercer son esprit critique, pour l'honneur de Jehanne, fin de conclusion de Thierry Dehayes, "La fabrique de Jeanne d'Arc", 2022.
En histoire, il ne s'agit pas de croire ou de s'émerveiller ; il faut constater et exercer son esprit critique. Il ne faut pas écrire l'histoire d'un personnage aussi étonnant que Jehanne à partir d'une fiction politique, relue à la fin du XIXème siècle selon une double perspective religieuse et patriotique.C'est pourtant ce qui a été opéré presque constamment. Un auteur du début du XXème siècle, Joseph Fabre, le disait : "A force de vouloir trouver en elle le divin, on lui ôte son humanité : l'héroïne [...] devient une entité froide" ou encore "Il ne faut ni affubler Jehanne des défroques de la légende dorée, ni la déguiser sous le masque de l'esprit moderne". A-t-il été entendu, ou plutôt : a-t-on bien accepté de l'entendre ? Pour l'honneur - mot qui avait un plein sens au XVème siècle, peut-être moins à notre époque - de Jehanne, il serait pourtant nécessaire de la reconnaître dans l'intégralité de son parcours de guerrière et de femme, qui l'a reconduite à nouveau dans sa bonne ville d'Orléans, où l'on lui fit fête huit ans après sa "mort" sur le bûcher. |
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![]() | Article de Marcel Gay du 21 octobre 2021. L’événement historique est toujours gravé sur une plaque de marbre près de la cathédrale de Toul. On lit : "En l’an de grâce 1428 Jeanne d’Arc diocésaine de Toul comparut ici devant l’officialité de l’Evêque Henri de Ville, présidée par Frédéric de Maldemaire, doyen de Saint-Gengoult, dans un procès matrimonial que lui fit un jeune homme de Domrémy. Ses juges l’ayant déclarée libre de tout lien, Jeanne d’Arc put entreprendre sa merveilleuse chevauchée et sauver la France".
Nous avons évoqué l’ouvrage d’un avocat parisien [chapitre 22 et lien] qui, en recoupant plusieurs sources historiques, donne un nom à ce jeune homme. "L’avocat identifie, de façon certaine pour lui, le fiancé de Jeanne comme étant le fils d’un nommé Jean Biget, habitant de Domrémy.". Cependant, un autre chercheur avant lui avait identifié ce fiancé : il s’agit d’un descendant de Jean Biget, originaire des environs de Domrémy. C’est lui, Denis Bichet, qui publie ce roman historique intitulé "L’Étrange fiancé de Jeanne d’Arc" avec pour sous-titre : "Deux descendants dans la tourmente de l’héritage de Jeanne d’Arc". Ce jugement daterait de juillet 1428. Pour Thierry Dehayes (page 290), Jehanne ne peut être poursuivie en Justice que si elle a plus de 20 ans. Elle est donc bien née en 1407 et non en 1412. Et des fiançailles à 21 ans sont plus crédibles qu'à 16 ans ! De nombreux autres indices vont dans ce sens, Thévenin les étudie sur une longue et précise page du site jeannedomremy.fr. |
![]() | En pages 261 à 265, André Cherpillod présente le voyage de la Pucelle à Nancy, les 11 et 12 février 1429, en préparation du voyage à Chinon. Elle y est invitée par le duc Charles II de Lorraine lui-même, lequel a pour gendre René d'Anjou, le fils de Yolande d'Aragon. A l'aller Jeanne est accompagné par Jean de Dieulouard. Il "n'est pas le premier venu : il est l'écuyer de René d'Anjou, le fils de Yolande. Qui peut être encore persuadé que Jeanne n'est qu'une humble paysanne poussée par ses "voix" ?". Surtout, René semble bien être présent au rendez-vous du duc et de Jehanne. "En 1986, Régine Pernoud, pourtant brillante égérie des domrémistes, reconnaît aussi que "Robert de Baudricourt et le jeune René d'Anjou sont très liés, et l'on peut penser que lorsque Jeanne s'est rendue à Nancy auprès du duc Charles, son voyage a été organisé et concerté entre le capitaine et le duc de Bar"". Cela cadre pleinement avec l'opération Bergère organisée par Yolande d'Aragon. |
Mars 1429, le secret que la Pucelle révèle au roi de France
C'est la fameuse scène de la rencontre de Jeanne et du roi dans la grande salle du château de Chinon, celle qui débute par la reconnaissance du roi déguisé en courtisan, racontée au chapitre 1. Sa date est incertaine, Cherpillod l'estime au 9 mars 1429. Il continue (page 286) comme suit.
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Mars 1429, Jeanne est nommée "demoiselle d'Orléans"
L'anecdote est présentée sur la page des hypothèses du site jeannedoremy.fr (autres mentions : 1 2 ). En mars 1429, la Pucelle aurait échangé une correspondance avec l'empereur romain germanique Sigismond Ier de Luxembourg (1368-1437), ce qui apparaît étonnant étant donnée l'importance du personnage et la date très précoce. C'est relaté sur un parchemin orné de trois enluminures (extrait du "livre de Sigismond" comportant 174 images en couleur de grande taille, échelonnées de 1427 à 1470, dessins de Diebold Lauber). Le 22 mars 1429, Jeanne répond à une lettre que Sigismond lui a envoyée quelques semaines plus tôt. Et dans la légende, la Pucelle est nommée "demoiselle d'Orléans". A cette époque où elle n'a pas encore délivré Orléans, Sigismond connaissait-il le secret de sa naissance ? Ci-contre, deux des enluminures : un messager confie à Jehanne la lettre de Segismond, puis un message de Jehanne amène à Sigismond la réponse. La Pucelle est ici présentée habillée comme une princesse royale, c'est probablement ainsi que l'imaginait Sigismond... Remarquez le blason bleu à trois fleurs de lys des Capétiens. Une coïncidence ? |
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Le blason de Dunois le Bâtard d'Orléans et celui du duc d'Alençon (selon Wikipédia) | Extraits de la page 283 du livre de Thierry Dehayes. Au sacre de Reims, pourquoi l'étendard de Jeanne, et donc sa personne, a-t-elle préséance sur celui de tous les autres capitaines ? Question capitale en effet, quand dans l'assistance se trouve le bâtard d'Orléans, le duc d'Alençon et Charles de Bourbon, tous trois arborant des fleurs de lys sur leurs bannières. En réalité, Jehanne a la place d'honneur au sacre parce qu'elle représente la famille d'Orléans en l'absence de son chef, le duc Charles, détenu à Londres.
Auparavant, en page 282, Dehayes compare les blasons de Jeanne (cf. chapitre 16), de Dunois et d'Alençon. Il explique pourquoi Jehanne n'a pas la barre oblique de bâtardise du blason de Dunois et pourquoi elle a la couronne de Dunois, absente du blason de d'Alençon. "Pas de barre de bâtardise sur les armes de Jehanne ; celle du Bâtard d'Orléans en comportent une parce qu'il ne porte qu'à demi le sang de France, ce qui n'est pas le cas de Jehanne. Le sang des Valois, par son père Louis d'Orléans mêlé à celui de la reine Isabeau, coule dans ses veines". |
Fin septembre 1439, un document atteste de la présence de Jehanne à Tours. A nouveau, elle ne se cache pas le moins du monde, puisqu'elle va trouver le bailli de Touraine, également capitaine de Tours, représentant du roi, pour une requête dont on ignore hélas tout à fait l'objet, mais qui met ce seigneur dans une situation inconfortable. [...] S'il est évidemment regrettable d'ignorer la teneur de ces courriers, on notera du moins que le bailli de Touraine n'a pas jugé déraisonnables les requêtes de la dame des Armoises, puisqu'il les a transmises à Charles VII. Or à Tours, comme à Orléans, Jehanne est en terre où elle est bien connue. [...] Mais surtout, s'est-on suffisamment intéressé à l'identité du bailli de Touraine, que Jehanne des Armoises a selon toute vraisemblance rencontré ? Il a une importance toute particulière dans "l'épopée johannique" de 1429. En effet Baudoin de Champagne, seigneur de Tucé [...] a fort bien connu et côtoyé plusieurs semaines durant la Pucelle quand elle séjournait à Tours. [... Il] est donc un témoin incontestable pour juger de l'apparence physique de Jehanne et il partage avec elle de nombreux souvenirs. [...] Ajoutons que côté témoins susceptibles de reconnaître Jehanne à Tours, il faut à nouveau compter à peu près tous ceux qui vivaient déjà dans cette ville dix ans plus tôt. |
Appel à témoins. La lecture de ce dossier montre la découverte récente d'informations relatives à Jeanne d'Arc des Armoises. De nouvelles révélations sont possibles. Par exemple le contrat de mariage de Jehanne et Robert des Armoises peut avoir été mis à l'abri dans un château auprès de Fresnes-en-Woevre, au moment de la première guerre mondiale. Ou trouver le testament ou le tombeau de Philibert des Armoises. Aussi une indication du passage de Jeanne du Lys des Armoises... Je suis joignable (alain (at) pressibus.org) pour transmettre à qui pourra les analyser. De façon plus étendue, j'ajouterai des Post-Scriptum en cas d'avancées...
Voir aussi la page de recherches du site jeannedomremy.fr. |
Alain Beyrand.
Dossier réalisé, pour l'essentiel, du 13 au 29 juin 2023.
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